mercredi 4 octobre 2006

Joël Séria - Coffret (2006)

Coffret : Joël Séria (2006) : Mais ne nous délivrez pas du mal (1971) *** + Charlie et ses deux nénettes (1973) * + Les galettes de Pont-Aven (1975) **** + ...Comme la lune (1977) ****
3 DVD

- Mais ne nous délivrez pas du mal : Deux adolescentes, amies et filles de bonne famille, passent leurs semaines au pensionnat catholique. Elles y découvrent la littérature interdite et l'hypocrisie de la morale religieuse.
- Charlie et ses deux nénettes : Charlie, la quarantaine, rencontre deux jeunes filles au sortir de l'ANPE. Aucun d'entre eux n'a trouvé d'emploi stable. Ils ont l'idée de faire une tournée des marchés.
- Les galettes de Pont-Aven : Henri Serin est un homme à la dérive. Son boulot de représentant en parapluies l'emmerde gentiment, sa famille le gonfle lourdement. Il sent qu'il est passé à coté de sa véritable vocation, la peinture. Pour tromper l'ennui il couche avec une cliente. Un enchaînement de déconvenues va mener Serin vers le village de Pont-Aven.
- ...Comme la lune : Monsieur Pouplard a quitté femme et enfant pour vivre une idylle torride avec une bouchère sexy. Comme il est un peu con, Pouplard a l'idée saugrenue de réunir son ex et son amante chez ses parents, espérant stabiliser une situation scabreuse.

Pour son premier long métrage Joël Séria frappe fort. Après avoir été projeté au festival de Cannes, "Mais ne nous délivrez pas du mal" se retrouve interdit de diffusion pendant huit mois. La preuve que même après Mai 68, les mentalités étaient encore bien rigides dans notre pays de Liberté. 35 années plus tard le film n'a évidemment plus la même force, mais cette histoire d'ados bourgeoises aux âmes-sœur, se dévouant au Mal, reste hyper moderne. En tapant là où ça fait mal (la Religion, la Mort, le Sexe), les deux héroïnes remettent en cause l'ordre moral établi. Le film ne joue pas sur l'horreur graphique ou le voyeurisme pervert, pas de scènes gores ou érotiques, mais en montre suffisament pour que l'on comprenne ce qui lie les deux filles, le mal-être diffus face à une destinée déjà écrite, l'envie de transgresser, le besoin d'exister ailleurs que dans le carcan d'une époque. La dernière scène, lyrique et terrible, rattrape largement les quelques fautes de rythme qui parcours cette odyssée vers le néant.
On est du coup très surpris et un peu déçu par le second film, "Charlie et ses 2 nénettes", qui propose une chronique de ses années post-68. Un bourlingueur quarantenaire qui entraîne deux jeunesses sur les marchés, ça aurait pu donner un portrait de la France "vraie". Mais il manque la truculence d'un Jean-pierre Marielle (il ne joue içi qu'un rôle mineur) et plus d'envergure pour les deux gonzesses qui se contente de ricaner pendant la moitié du film. Dommage.
La rencontre Séria-Marielle donnera quelques temps plus tard deux fleurons dans lesquels le sidérant acteur joue la pleine mesure de son talent. "Les galettes de Pont-Aven" et "… Comme la lune" se hissent au rang de films cultes pour celles et ceux qui savent apprécier le grand numéro délivré par Môssieur Marielle. Il ne dépeint pas un simple con, ni même un beauf ordinaire, non, c'est un Seigneur qui élève sa connerie au rang d'Art majeur, et aussi un adulte perdu dans ses rêves d'ado jamais réalisés.
Alors que dans ses deux films précédents Joël Séria s'attachait aux caractères féminins, içi il s'attaque à la caricature de l'Homme de l'Héxagone, un macho mi-mufle mi-poète, étouffé par des femmes tantôt nymphos, tantôt soumises, dociles ou sournoises, bref, un cauchemar post-MLF à prendre au second (voire 3e) degré. Marielle enchaîne les bons mots, avec une joyeuseté communicative d'imbécile heureux, part dans des délires improbables lorsqu'il tombe en extase ou en déprime, déclame tout et son contraire avec un sens inné de la formule qui déchire et un jeu d'acteur largement au dessus de la moyenne. On ne se lasse pas de ses tirades sur le cul de ses muses dans "'Les Galettes", ou de ses envies 100% Mâle de sa bouchère d'amante, fièvreusement déclamées dans "Comme la lune" ("T'es vachement bien bidochée, j'vais t'fourrer !!"). La Classe Internationale ;-) Et puis, derrière la drôlerie et la truculence, un vrai message se dégage finalement concernant l'homo-sapiens Gaulois.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire