vendredi 16 mars 2018

Blade Runner 2049

Les androïdes inertes rêvent-ils de moutons empaillés ?

(2017- Réalisé par D. Villeneuve) ****

L'officier "K", issu d'une nouvelle génération de Replicants créés par la société Wallace, est un Blade Runner : il traque les anciens modèles Nexus-8 encore en fonction pour les "retirer". Après une arrestation mouvementée dans une ferme bio-synthétique, K fait une curieuse découverte. 

Située 30 ans après les événements du premier Blade Runner, la version "2049" restitue avec minutie le style élégant et froid et le rythme ralenti de son modèle. Certains plans sont des références directes à l'original, le zoom sur l’œil ouvert, l'ambiance maussade des rues bondées noyées sous les projections holographiques publicitaires, les éclairages savants dans les gigantesques intérieurs baroques, bref, tout ce futur d'anticipation déprimant annonçant la fin de la race humaine. 
On retrouve aussi des personnages ressemblant fortement aux rôles du film original : l'enquêteur taciturne (Deckard/K), le business-man mystique se prenant pour Dieu (Tyrell/Wallace), l'androïde de combat (Roy Batty/Luv) et l'androïde prostituée (Pris/Mariette). Même l'intérêt romantique du héros, la Replicant Rachel dans Blade Runner, trouve un écho dans "2049" sous la forme de l'I.A. Joi.

Le nouveau Blade Runner est une vraie suite qui prolonge les questions métaphysiques laissées en suspend il y a 25 ans par la version "director's cut". Qu'est-ce qui défini l'Humain si une machine peut l'imiter à la perfection ? Elle fait notre boulot mieux que nous et simule les sentiments aussi bien. 
Le détective K est une machine consciente de son état, sachant pertinemment que ses souvenirs d'enfance sont des faux. Il arrête ou tue sans remord ses semblables moins évolués que lui, les anciens modèles Nexus. Son arc narratif dans le film en fait un protagoniste secondaire plutôt que le sujet principal, puisqu'il découvre qu'il n'est pas ce qu'il croyait être.
Joi la copine virtuelle n'est qu'un programme sophistiqué, dépendant du bon vouloir de son maître qui l'active et la désactive à volonté. Elle reste confinée dans une boîte, impuissante pour protéger son bien-aimé qui est littéralement son unique raison "d'exister". Elle est tout de même dotée d'un tel désir, une émotion tellement humaine, qu'elle va jusqu'à se synchroniser avec une Replicant prostituée afin de pouvoir pratiquer l'amour physique ! C'est ainsi que K montre aussi son coté humain en expérimentant le sentiment amoureux. Tandis que les "vrais" gens, ceux qui ont une âme comme le dit la chef humaine de K, s'adonnent au sexe le plus basique avec des Replicants comme Mariette, K recherche quelque chose de plus émotionnel. Ce qui le mènera à la fois à la conclusion de son enquête policière et au bout de sa quête personnelle.
Même Luv, la Nexus-9 travaillant pour Wallace, est dominée par la confusion, autre état typiquement humain. Elle a vu ce que son patron faisait aux modèles ne répondant pas à ses attentes, elle met donc tout en œuvre pour remplir sa mission, pour "être la meilleure" comme elle le dit, quitte à transgresser les lois et liquider froidement les obstacles.
Quand à Deckard, une des grandes réussites du film est de rétablir l’ambiguïté concernant sa nature exacte. Est-il, oui ou non, un Replicant ? Dans la version définitive du premier épisode les indices ajoutés tout au long du film par Ridley Scott validaient cette thèse (le rêve de la licorne et la pupille des yeux brillant dans l'obscurité). Dans 2049 ce personnage retrouve son ambivalence en esquivant le sujet, démontrant ainsi que cette question est finalement accessoire.

Que reste-t-il pour séparer l'Homme de la Machine ? La procréation, ultime frontière, est tout l'objet du film. Un nouveau monde dans lequel les deux genres sont mêlés. Est-ce que nous nous dirigeons vers un tel futur ? Est-ce notre fin ou notre renaissance en tant qu'espèce ? 
Rendez-vous en 2049.