jeudi 31 janvier 2019

Les 8 Salopards

Le beau et la bête

(2015 - Réalisé par Q. Tarantino) ***
Sur la route enneigée menant à Red Rock, deux chasseurs de primes se rencontrent. L'un trimbale les trois corps des hors-la-loi qui lui feront toucher la récompense en ville, l'autre escorte en diligence la dangereuse criminelle Daisy Domergue, pour la même raison.

Encore un Western du Tarantino juste après son Django, ne risque-t-on pas l'overdose ? Surtout si on s'amuse à compiler toutes les séquences se référant au genre dans les productions du bonhomme. De Reservoir Dogs à Inglourious Basterds en traversant par Kill Bill, les évocations sont légions. C'est pourquoi, rusé comme il est, Môssieur Quentin a bien pris soin de proposer autre chose. 
Évidemment sur le papier, ça sent fortement le gunfighting dans l'ouest sauvage : du casting divin de "gueules" à admirer en gros plan façon Sergio Leone, du Morricone sacré à la partition musicale, du paysage sublime à vivre en format scope comme dans les Classiques des 50's, du dialogue ciselé made in... Tarantino, of course.
Et puis soudain, après une demi-heure de mise en place, tout s'arrête.
Voilà notre diligence forcée de s'arrêter dans la mercerie de Minnie, petit relais paumé dans les montagnes et le blizzard. Et le Western bascule vers un huis-clos claustro. Bye bye la chevauchée héroïque dans les sommets glacés, tout ce beau monde se calfeutre dans un lieu unique, une cabane perdue au milieu de nulle part. Nous sommes donc à présent dans un autre film de genre, du style "Cabin in the woods", mais sans la forêt !
Le pari de l'auteur, maintenir la tension pendant les deux heures qui suivent, s'avère risqué. De fait il n'évite pas les longueurs et les redites, en mettant en scène comme dans une pièce de théâtre les huit protagonistes qui s'affrontent. Les deux chasseurs de primes, John Ruth et le Major Warren, assurent le show. Ils vont devoir patiemment relever les indices pour trouver le ou les traîtres chargés de libérer la hors-la-loi dès que l'opportunité se présentera. Du patibulaire Joe Cage, du trop poli Oswaldo, du silencieux Général Sudiste Smithers, du bizarre Bob le Mexicain, du soit-disant nouveau Sheriff Mannix ou du cocher O.B., qui est là pour sauver Daisy de la pendaison ?
Les numéros des actrices et acteurs parviennent à capter l'attention mais l'ensemble aurait mérité une coupe franche dans les scènes pour gagner 15 bonnes minutes. QT s'est fait plaisir, trop à mon goût, en allongeant exagérément certaines confrontations. Cela reste un bel hommage, sincère, avec des passages exquis qu'on déguste avec plaisir et d'autres où on frôle la touche "avance rapide" de sa télécommande. 

mercredi 30 janvier 2019

Django unchained

Deux chasseurs de primes et un "Wanted"

(2012 - Réalisé par Q. Tarantino) ****
Libéré de ses chaînes par un chasseur de primes Allemand se faisant passer pour un dentiste, l'ex-esclave Django va pouvoir entreprendre sa quête : retrouver sa bien-aimée Broomhilda.

Si Django, héros flingueur des années 60 et 70, est resté  populaire chez les mordus de ciné Spaghetti, le grand public l'a oublié depuis belle lurette. Tarantino a donc exhumé ce personnage et a repris les grandes lignes de son caractère, un desperado se battant contre le racisme ambiant, incarné par le Ku Klux Klan, pour sauver une damoiselle en détresse. 
Evidemment avec QT, il y a un twist : dans sa version, Django est un esclave noir lancé dans une quête vengeresse, sa promise étant asservie dans une plantation de coton. Toutes les épreuves classiques sont franchies par le héros, et dans l'ordre (ce qui est rare dans les productions Tarantinesques, où flashbacks et flashforwards pullulent). La libération par le mentor, l'apprentissage, la recherche de la dulcinée, les épreuves physiques et psychologiques et la vengeance finale. Check-list au complet.
C'est comme souvent dans les soubresauts stylistiques et les rôles gravitant autour du personnage principal qu'on trouve matière à se délecter. Le volubile et très Européen Docteur King Schultz, le salopard et très distingué membre du KKK Big Daddy, le raffiné et tout aussi raciste Calvin Candie à la tête de son "Candie land" où il organise des combats de Mandingos, esclaves devant se battre entre eux pour le plaisir de leurs propriétaires, le traître serviteur Stephen (Samuel L. Jackson, comme d'hab impeccable, avec un rôle ambigu de petite vipère vendue aux maîtres blancs). La galerie vaut la visite. Tous ces personnages, sous le vernis d'une soi-disant culture évoluée, sont plus sauvages que celles et ceux qu'ils traitent comme tels.
Les citations musicales et cinématographiques sont trop nombreuses et trop pointues pour que j'en dresse une liste, la plupart m'étant passées au dessus du crâne. Mais il reste toujours cette mécanique savamment dosée, ce surplus de coolitude qui n'appartient qu'à ce réalisateur passionné par son art. Parfois il se perd dans des clins d’œil trop appuyés, comme par exemple lors de la séquence gag étirée de l'attaque des neuneus du KKK, ou la rencontre des transporteurs de la Compagnie Minière (avec un caméo poussif de Mister Quentin) qui casse le rythme emballé de la dernière partie du film. Cependant l'ultime fusillade, savoureuse et libératrice, permet de finir en beauté !