(2 Spectacles - 2004) ***** (Pack 2 DVD)
Tout seul (1997) : dans une petite bourgade un certain Michel a perpétué une tuerie sauvage. Des journalistes enquêtent sur ce fait divers. A travers les témoignages de ses amis, collègues et personnalités du canton, on découvre l'histoire de cet homme.
Le tout premier spectacle de Dieudo en solo s'éloigne complètement des shows qu'il interprétait en tandem avec Elie. Dieudonné quitte le non-sens et le second degré décousu du duo en structurant son one-man-show autour d'un fil conducteur. La galerie de personnage est magnifique, et dès cette année 1997 l'auteur pose les bases de ce qui deviendra rapidement sa marque de fabrique unique : une suite de portraits féroces d'une certaine mentalité franchouillarde. Encore un peu timide dans son exploration de l'inconscient collectif national, la plupart des personnages ne sont pas poussé au bout de la caricature comme dans les spectacles suivants (Pardon Judas!, Cocorico!, Le Divorce de Patrick). Et qu'on ne se méprenne pas sur le sens du mot "caricature", on n'a pas affaire ici à un gentillet chansonnier ;-) . La plupart des archétypes qui seront ensuite repris (et, soyons honnête, améliorés) dans les autres shows de Dieudo sont déjà présents dans "Tout seul" : le curé, l'africain, le présentateur télé, le jeune de banlieue, le collabo. Ce satané Dieudonné arrive même à nous faire presque peur lorsqu'il interprète un drogué plus vrai que nature, traversé de spasmes.
Le seul point faible du spectacle vient des passages musicaux qui malgré la qualité des textes s'intègrent mal dans cet inventaire radical de la société française. Mais déjà avec ce premier plongeon dans le grand bain Dieudo parvient à nous faire rire de tout en appuyant là où ça fait mal, avec un talent d'acteur indéniable. Qu'il chausse ses gros sabots pour nous livrer un joueur de boules français grande gueule ou qu'il dépeigne ce petit esprit collabo qui murmure ces propos nauséeux, Dieudo est à l'aise sur les deux tableaux. Chapeau Bas !
Le Divorce de Patrick (2003) : Alors qu'il s'apprête à rendre hommage à un obscur poète lors d'un festival perdu au fin fond du trou du cul du monde, Dieudonné reçoit un coup de fil de son ami Patrick. Ce dernier est au bout du rouleau suite à son divorce.
Après s'être attaqué à la religion (Pardon Judas!), à la politique et aux médias (Cocorico! Son meilleur spectacle selon moi), Dieudonné enchaîne avec une charge musclée sur les rapports hommes/femmes dans ce spectacle de 2003. On retrouve avec plaisir certains des personnages récurrents : la maîtresse d'école, le curé, l'africain, le médecin. Mais Dieudo s'investit beaucoup plus en intervenant directement, même s'il se cache toujours derrière un masque d'exagération. Il nous livre ses pensées sur son éternel combat contre le fanatisme religieux et chronique l'état du monde en cette année de guerre en Iraq.
L'évocation de cet ami Patrick donne lieu à des sketchs très drôles et très violents : depuis la première rencontre du couple jusqu'à son affrontement par enfant interposé, en passant par la naissance du petit Francis lors de la coupe du monde du foot. Le style comique de Dieudonné va au-delà de l'humour noir qui fonctionne souvent sur des provocations gratuites ou des cibles faciles. L'humoriste est parfois obligé de "sortir" du contexte pour commenter l'incommensurable connerie qu'il met en scène, pour laisser respirer le public ("Attendez, c'est un personnage ! Si vous croyez que c'est facile de jouer un type aussi con !").
Assurément l'un des derniers exemplaires de comique politique encore en activité en France, le style Dieudo dénonce, derrière la façade de la déconne. Le fabuleux sketch sur le Mollah Jean-Christophe, où il imagine la dernière réunion des terroristes du 11 septembre, est un modèle du genre à montrer dans toutes les écoles de One-Man-Show. On est loin de l'humour niais ou bien gras qu'on nous sert aujourd'hui dans les médias. Et puis Dieudo ajoute toujours la petite touche de second degré salvateur qui sauve tout. Une leçon de vie, et en plus on se poile vraiment.
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