vendredi 15 février 2019

Gone girl

Chacun cherche sa femme

(2014 - Réalisé par D. Fincher) ****
Amy et Nick forment un couple en apparence uni. Elle est une auteure à succès de livres pour enfants, lui est prof à la fac. Le jour de leur cinquième anniversaire de mariage, en rentrant à la maison, Nick découvre que le salon est saccagé et que sa femme a disparu. L'enquête qui suit va révéler les tensions qui existaient entre eux.

Cliquez sur la suite pour être sauvagement spoilé.



Difficile de parler de Gone Girl sans aborder un élément crucial du scénario. Car pendant une heure le film s'attache à dépeindre en flashbacks la rencontre et l'idylle des deux tourtereaux puis la lente descente vers un malaise de plus en plus palpable, tandis que dans le temps présent se fissure le vernis du respectable mari se dévouant pour la recherche de son épouse disparue. Les preuves contre Nick s'accumulent, son comportement détaché étonne et la narration issue du journal intime d'Amy sème le doute sur sa nature véritable. Comme les spectateurs, les deux flics acquièrent la conviction qu'ils tiennent un coupable.


(attention c'est à partir d'ici que ça divulgâche grave).


Et soudainement le film bascule vers une charge féroce contre le couple. Lorsqu'une ultime preuve incrimine définitivement le mari, on découvre qu'Amy a planifié méthodiquement le piège qui s'est refermé sur Nick et va le mener droit à la chaise électrique. Elle est vivante, en fuite, mais sa haine la pousse a encore envisager son suicide comme dernière preuve pour une condamnation assurée à la peine capitale. Qu'a donc fait l'homme pour susciter une telle vengeance ? 
Il l'a trompée, évidemment pour une plus jeune. Mais pas seulement. Il a quitté le cadre d'une illusion de bonheur et de carrière parfaits, illusion fondée sur le paraître, construite par une femme ayant les moyens intellectuels et financiers de son ambition. Mais le mirage s'est évanouit, chassé par les réalités économiques (le chômage les frappent tous les deux) et les aléas de la vie (la maladie de la mère de Nick a obligé le couple à déménager chez elle, dans une région rurale). De là Nick est devenu distant, échappant au contrôle mais s'enfonçant dans une attitude de plus en plus méprisante envers son épouse qu'il ne touche plus que pour assouvir de brèves pulsions sexuelles et dont il utilise les dernières ressources pécuniaires pour lui faire acheter un bar qu'il manage sans enthousiasme avec sa sœur. 
Le ressentiment d'Amy est résumé dans son long monologue à la moitié du film : "j'ai accepté de jouer la fille cool pour pouvoir façonner l'homme de mes rêves, il croyait que j'accepterais de me laisser détruire ?". Ceci résume le propos véritable de cette histoire, fonctionnant parallèlement à la résolution de l'enquête. Chacun des deux a joué un rôle pour séduire l'autre et se conformer aux normes (sociales et commerciales). Mais en définitive Gone Girl dépeint le mariage comme un contrat factice.
Les circonstances vont à nouveau réunir Nick et Amy, qui joueront le jeu (continueront d'incarner leur rôle) devant amis et médias, dans leur intérêt mais contre leur gré. Avec dans les derniers dialogues cet échange éloquent entre les mariés, après qu'elle a annoncé qu'elle est enceinte et qu'il menace de divorcer :
Nick -"... qu'est-ce que tu cherches ? on veut se dominer l'un l'autre, on se fait du mal."
Amy - "C'est ça, le mariage."
L'enfant comme ciment du couple, un ciment qui enserre, qui paralyse, qui noie. Argument fatal de ce sombre plaidoyer.

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