La gamme des jeux Chip Theory est basée sur un concept singulier : remplacer les figurines par des jetons de Poker et le traditionnel plateau cartonné par un tapis souple en néoprène, le tout saupoudré d'une tonne de dés multicolores. Vous pouvez simuler des combats de gladiateurs dans des arènes Romaines (Hoplomachus), des batailles entre armées façon Tower Defense (Cloudspire), ou résoudre des puzzles en duel (Triplock).
Vous pouvez aussi basculer dans l'Heroic-Fantasy tragicomique avec Too Many Bones, la friandise de notre billet du jour. Sous-titré "A Dice Builder RPG" (un Jeu de Rôle basé sur des Dés) TMB est surtout un croisement réussi entre la nouvelle génération des Jeux de plateau et les vieux scénarios AD&D des 80's, connus sous le sobriquet "Porte-Monstre-Trésor".
Plongeons de suite dans ce gros tas d'os !
Votre peuple Gearloc est un mix Gnome-Elfe incongru, petits êtres difformes planqués dans la forêt profonde d'un Royaume en proie à une invasion de Baddies (en Français, Méchants-pas-beaux). Votre groupe de 2 à 4 Gearlocs, ou votre bande de un en solo, va s'engager dans la milice avec pour unique but de vaincre dans le temps imparti un affreux chef Tyran. Chichement armé au début de votre périple, vous ne tarderez pas à acquérir moult Compétences au fur et à mesure de vos rencontres quotidiennes, en plus d'objets mirifiques au fin fond de coffres verrouillés.
L'ambiance ironique avec ses commentaires et ses illustrations marrantes permet d'aborder aisément TMB. La phase principale est d'ailleurs très générique : on pioche une carte rencontre, on résout l'éventuel conflit, on se repose puis on recommence. Mais on hallucine lors de la première plongée au cœur du manuel, la découverte des tapis et fiches des héros, très riches en informations, et surtout la cascade de Dés aux icônes absconses. C'est là que le Too Many du titre prend tout son sens !
Il ne faut pas se laisser impressionner par cette vision d'ensemble qui parait vouloir vous noyer sous une avalanche de termes et de symboles énigmatiques. Au contraire, il faut se focaliser sur un personnage à la fois et attendre de découvrir chacune des 23 skills des adversaires lorsqu'elle se présente. Les auteurs en sont conscients, sur chaque fiche des conseils sont notés pour guider notre apprentissage.
Toute la mécanique de Bones est basée sur les Dés. Dégâts, Défense et surtout une quinzaine de Compétences par Gearloc, sont représentés par un type de Dé, toujours à six faces. Si l'attaque et la défense contiennent juste des chiffres (et des Bones), les Skills sont bien plus déroutantes avec leurs petits graphismes ésotériques (et des Bones). Il faut systématiquement consulter le guide de son héros pour connaitre leur fonctionnement. Certains sont innés, d'autres s'apprennent durant l'aventure, ils peuvent être lancés avant le combat, d'autres seront stockés pendant la bataille ou sont défaussés une fois utilisé, parfois ils ciblent l'ennemi et parfois un allié, il y en a qui servent de compteurs ou qui génèrent des effets supplémentaires en combo, quelques uns ont des faces vierges, la plupart en ont une ou plusieurs avec des Bones...
Bon, ça fait tout un paragraphe que tu nous boursoufles le cortex avec tes Bones, il serait temps de nous expliquer !
Vous avez raison. L'un des concepts de Too Many Bones réside dans l'utilisation des... vous savez quoi.
Lorsqu'un Dé tombe sur une face Bones, cela correspond à un échec. Votre attaque échoue, votre Défense rate, votre Compétence foire. Mais contrairement à la plupart des productions où les fails punissent le Joueur (qui maudit les cieux et ces putains-de-bordel-de-Dés-à-la-con-chié !), ici vous pouvez stocker ce mauvais résultat dans votre Backup Plan, littéralement Plan de Secours, pour l'utiliser autrement. Finie l'angoisse du lancer qui détruit une stratégie patiemment élaborée au fil des tours. Tout est fait pour réduire l'aspect aléatoire d'un Roll, un résultat qui ne vous satisfait pas peut même être relancé au prochain tour.
Le temps est compté. Le Tyran que vous sélectionnez parmi les 7 disponibles lors de la mise en place vous donne trois infos primordiales : les points de progression à acquérir pour l'affronter, le nombre de jours maximum pour les obtenir et le type d'ennemis que vous croiserez en route.
Plus vous avancez dans l'aventure, plus nombreux et plus puissants sont vos opposants. La réussite passe par la maitrise absolue de son perso. Chacune des quatre Stats principales, Santé, Dextérité, Attaque et Défense, possède une valeur de base que l'on pourra augmenter grâce aux points d'entrainement, qui s'obtiennent en passant avec succès la rencontre du jour.
La Dex est primordiale car elle sert au mouvement et détermine en même temps le nombre de Dés que vous pouvez lancer à votre tour. Un personnage avec 4 Dex peut dépenser jusqu'à 4 points pour bouger, mais après 4 déplacements il n'aura plus rien à faire ensuite. Il faut donc optimiser ses actions, au début quelques dés Atk et Def sont à notre disposition, puis le choix s'étoffe au fur et à mesure des gains de nouveaux Dés-Skills.
Le nerf de la guerre se trouve dans la quinzaine de compétences qui spécialise chaque Gearloc. Patches est le soigneur du groupe, Boomer celle qui fait des dégâts à aire d'effet, Picket assume le rôle de Tank et Tantrum est le dealer de dommages massifs.
Les compétences offrent un large éventail. Depuis les simples dégâts et protections, aux malus et
bonus variés, jusqu'aux simulations complexes de Familiers ou Robots, en
passant par les combos entre dés pour générer de nouveaux effets,
une Skill trouvera toujours une utilité dans une situation précise pour peu que vous l'ayez apprise avec vos points d'entrainement.
Hors combat les auteurs ont ajoutés plusieurs mini-games pour varier les plaisirs. Les objets les plus puissants sont planqués au fond de coffres dont il faut crocheter les serrures. L'occasion d'utiliser une autre série de Dés pour tenter d'obtenir les symboles nécessaires à l'ouverture de chaque cadenas. Une autre activité consiste à jouer à un jeu de fléchettes, toujours par l'intermédiaire de Dés, pour remporter les défis lancés par les rencontres du jour.
Comme dans les James Bond, le jeu doit beaucoup à ses méchants. Leur comportement sur le champ de bataille est modifié selon qu'ils sont Mêlée ou Distant. Sur ce quadrillage de 4 colonnes sur 4 lignes, on place les jetons des unités Gearlocs et Baddies et on doit anticiper les mouvements de chacun dans l'ordre de leur Initiative. Ce petit plateau de 16 espaces est étonnamment stratégique, les règles de déplacement font que les joueurs peuvent s'organiser afin que les adversaires se gênent entre eux.
Des capacités classiques comme Poison ou Stun côtoient des compétences plus originales, comme Break, Mischief ou Corrosive, qui défaussent les Dés adverses. Les Skills donnent plein de situations différentes, on doit prioriser ses actions sur les Baddies les plus dangereux, les volants intouchables, ceux dont l'attaque croît au fil des Rounds, ou qui ne prennent qu'un seul dégât par tour, etc.
La représentation par des jetons de Poker est à double tranchant. La surface réduite oblige à concentrer toutes les infos dans un rond riquiqui de 4cm de diamètre. Mais cela donne au matériel une solidité peu commune dans le domaine des jeux de plateau et une facilité de manipulation avec un feeling inédit agréable lorsqu'on glisse ses petits palets sur le doux tapis feutré de combat, retirant les PV d'un geste élégant et précis comme au casino.
Le reste du matériel est aussi remarquable : fiches et cartes résistantes aux liquides de toutes sortes, néoprène souple renforcé quasi incassable (mais destructible par les chats ?) et Dés de qualité. Le prix s'en ressent, avec 120€ au compteur pour la boite de base, pour un jeu uniquement en anglais. Les sept Tyrans présents, avec chacun leur style et règles spécifiques, occupent déjà pas mal de semaines. Pour la suite on a déjà une multitude d'extensions et d'add-on, allant du simple Gearloc supplémentaire à la Campagne de jeu complète.
Même si le côté RPG se résume à construire son perso en vue du combat final contre le tyran, les possibilités et les surprises des rencontres sont nombreuses. Chaque jour on nous propose généralement deux options, qui ne débouchent pas systématiquement sur un affrontement physique. Les textes d'ambiance, d'un niveau d'anglais soutenu, sont plein d'humour par les commentaires désabusés des Gearlocs. L'univers est plutôt original, bien que fabriqué avec un assemblage de thèmes archi-connus. On y croise Orcs, Goblins et Dragons, représentés par des portraits à la fois réalistes et drôles.
Too Many Bones est un mix détonnant de tactique et de fun, avec une bonne rejouabilité. Il faut noter que les mécanismes du jeu font que le jeu en solo avec un personnage peut être particulièrement difficile (il existe un mode facile pour les néophytes) et que, a contrario, une équipe de 4 héros peut rapidement se muter en Gros-Bill sans challengers à la hauteur pour des joueurs aguerris. A vous de trouver des variantes pour moduler votre expérience.
Règles du jeu en Français : Résumé - Mise en place, Tour, Combat, Jetons, Tapis (PDF)
Docs et Vidéos de présentation de jeux : Jeux de plateau.
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