dimanche 22 novembre 2015

La Horde du Contrevent (Alain Damasio)

Ils sont vingt-trois, formés spécialement pour affronter les dangers d'un monde hostile, une nature balayée de bourrasques intenables, traversée d'incroyables phénomènes, peuplée de redoutables ennemis. Chacun son rôle, chacun son rêve pour un seul but, le même que celui des Hordes précédentes : parvenir à l'Extrême-Amont, la source du vent.



Le roman d’Alain Damasio est à la fois une épopée fantastique originale pleine de rebondissements, un conte poétique emplit de jeux de langage d’où jaillissent des idées surprenantes et un traité philosophique sur la condition humaine.

L’univers construit par l'auteur peut aussi bien être un passé lointain de notre Terre, son futur probable ou une invention pure; qu'importe, il existe. Au fil de la progression, la trace vers l’Amont, on découvre les villages d’abrités, les Fréoles nomades vivants sur des navires volants, des phénomènes surnaturels appelés Chrones pouvant absorber ou révéler le Vif, la nature profonde d’un être ou d’une chose, et une mystérieuse organisation nommée "La Poursuite" qui combat les Hordes.
Le roman endosse des allures "Steampunk", mélange de rétro-futurisme (vaisseaux à hélices, armes boomerangs primitives) et de manifestations s’apparentant à la magie. La lutte interne à la Horde, avec ses caractères bien trempés qui font face aux défis physiques et psychologiques que représentent leur exploit épique, se mêle aux périls extérieurs d’une nature vraiment hostile et de rencontres funestes. 

Comme pour son roman précédent, La zone du Dehors, l'écriture d’Alain Damasio reste fluide tout en faisant circuler la narration entre les nombreux protagonistes, ce qui occasionne des contrastes de styles selon l’observateur décrivant les événements. L’auteur produit des néologismes stupéfiants, comme "L’Hordre" qui sélectionne et forme les futurs Hordiers, par exemple. Il s'amuse avec la syntaxe, comme lors de joutes oratoires à Alticcio entre Caracole le Troubadour et Sélème.
Il joue avec les formes des lettres pour créer des raccourcis imagés, chaque caractère de personnage étant identifiée par un caractère d'imprimerie et les variations d’intensités du vent (Stèche, Choon, Furvent) apparaissant sous la forme d'une retranscription en signes de ponctuation.
Formés depuis l’enfance les membres du « Pack » ont des rôles définis pour que le groupe soit autonome et survive. Le Traceur, aidé des Piliers et des Ailiers, encaisse les puissantes bourrasques et organise la formation du groupe, le Géomaître et l’Aéromaîtresse observent et analysent l’environnement et les types de vents, le Braconnier, la Cueilleuse et les Oiseliers-Chasseurs s’occupent de trouver la nourriture, le Scribe note les péripéties comme témoignage dans son "Carnet de Contre", le Combattant protège la Horde des menaces potentielles, etc. D’autres rôles sont plus ésotériques comme le Prince, la Feuleuse ou le Fleuron, agissant sur le mental et le relationnel au sein de la Horde.

Le message en filigrane de cette œuvre met la vie de la Horde en perspective avec la nôtre, une quête faite de routines et de découvertes, une lutte constante vers un objectif inconnu. Le récit aborde des thèmes intimes familiers, nos choix, nos besoins, nos réactions face à l'adversité et le fait de relativiser certains de nos "petits malheurs" au regard des vraies souffrances physiques et psychologiques. Les destins des 23 héros, tous différents, dans un monde et des concepts brillants inspirés de multiples références, produisent une œuvre majeure de la littérature Fantastique.