vendredi 31 juillet 2020

Joker

N'oublie pas de SOURIRE sur tes photos Instagram
(2019 - Réalisé par T. Philips) ***
Dans une ville de Gotham ravagée par le chômage et l'insécurité, Arthur Fleck vit de son petit boulot de Clown par intérim. Embauché pour faire la pub d'un magasin sur le trottoir, il est violemment pris à partie par une bande d'adolescents.

Le rôle du Joker est toujours l'occasion pour l'acteur qui l'incarne de repousser les limites. On a connu la démesure bouffonne de Nicholson, la performance torturée d'Heath Ledger et l'extravagance sabotée au montage de Jared Leto dans Suicide Squad. Il fallait un type de la trempe de Joaquin Phoenix pour oser reprendre le costume, dans un film entièrement dédié au cabotin psychopathe.
Dans la veine des productions sombres et réalistes façon Dark Knight ou Logan, Joker décrit un monde en décrépitude, violent et sans espoir, le notre. Le commentaire social et politique sur notre époque est tellement surligné que le film perd un peu de sa force si on le compare à ses modèles : The King of Comedy, où De Niro joue le comique prêt à tout pour percer, Taxi Driver, le parcours chaotique d'un type seul dans une ville en perdition, et Les Temps Modernes (dont un extrait est vu dans Joker), avec Charlot en lutte contre le Système. Le souci vient du fait que le réalisateur veut à tout prix garder des références lourdingues à Batman en liant son intrigue à la famille Wayne (et on a droit à la millième version sur écran de la mort des parents). Il manipule aussi des sujets hautement casse-gueules, le ressentiment généralisé contre les riches et l'ère Trump qui exacerbe la division entre communautés, en terminant son film sur le triomphe de la fin des idéaux.
Reste Joaquin Phoenix, qui tient tout le film sur sa maigre carcasse, dans ce rôle difficile où il doit rendre crédible un homme luttant contre tout : sa maladie mentale, sa frustration de célébrité, le cynisme ambiant, sa mère, sa place dans une société qui le rejette. Oscillant constamment entre folie et désir de "normalité", notamment avec sa voisine, Arthur glisse vers une logique criminelle pour prendre sa revanche sur le monde. Pas franchement un message d'espoir mais comme le dit Joker, la vie n'est qu'une putain de comédie.

jeudi 30 juillet 2020

Us

Une chouette petite famille très unie
(2019 - Réalisé par J. Peele) ***
Dans les années 80, la petite Adélaïde vit une expérience traumatisante dans une fête foraine. S'étant perdue, elle se retrouve face à une fillette lui ressemblant trait pour trait. Devenue adulte, mariée et deux enfants, elle revient sur les lieux avec toute sa famille.

Plus encore que dans son film précédent (Get Out), le réalisateur Jordan Peele pousse sa démonstration jusqu'à l'absurde. La logique de Us, prise au pied de la lettre, ne tient pas debout. Il faut donc y voir une métaphore. Le problème est que le message politique et l'intrigue classique de film d'horreur sont totalement déconnectés l'un de l'autre, là où Get Out parvenait à lier les deux niveaux de lectures.
Le thème des Doppelgängers a été maintes fois traité au cinéma et en littérature. Une famille Noire Nord-Américaine se retrouve confrontée à ses doubles sauvages, sans savoir d'où ils viennent ni ce qu'ils veulent précisément.
Le problème est que le réalisateur va justement nous expliquer dans les moindres détails la provenance et l'objectif de ses sosies maléfiques, brisant l'aura mystérieuse qui les entourait pendant la première partie du film. Le côté slasher horrifique fonctionne mais se trouve inutilement alourdi d'un commentaire politico-social qui ne tient pas la distance. On ne peut évidemment pas gâcher les multiples révélations disséminées dans le récit de cette lutte des Classes au pays du Capitalisme Roi, mon seul conseil pour apprécier Us est de ne pas l'analyser trop profondément et de profiter de son excellente mise en scène et de l'impressionnante performance de son actrice principale, Lupita Nyong'o.