vendredi 30 mars 2007

Sign "O" the Times (1987)

Dans notre série "Chroniquons un album de Prince 20 ans après sa sortie", voici venu le temps de...


Sign "O" the Times (1987)

Sign "O" the Times
Play in the Sunshine
Housequake
The Ballad of Dorothy Parker
It
Starfish and Coffee
Slow Love
Hot Thing
Forever in my Life

U got the Look
If I was your Girlfriend
Strange Relationship
I could never take the Place of your Man
The Cross
It's gonna be a beautiful Night
Adore



Le Grand Classique.
Après l'annonce officielle de la fin de son groupe "The Revolution", Prince garde une cadence effrénée de production durant l'année 1987. Il compose et arrange tous les titres des nouveaux albums pour d'autres artistes (Sheila E. et Jill Jones) et est co-auteur de deux albums Jazz avec son ami Eric Leeds sous le nom de groupe Madhouse ("8" et "16"). L'inspiration ne semble jamais se tarir puisque l'artiste projette pour lui-même la gestation de divers albums simples (sous le pseudo Camille), doubles ("Dream Factory") ou triple ("Crystal Ball"). Damned !
Sont-ce les dures réalités économiques qui auront calmé l'impétueux prodige ? Ou, plus sûrement, un éclair de raison qui aura su ramener Prince à une sage décision ? Le nouvel album ne sera "que" double et constitue encore aujourd'hui un de ses plus brillant joyaux : Sign O' The Times.

Passé l'exubérance des galettes précédentes cet album d'une clarté si limpide et d'une justesse si évidente impose définitivement l'image de génie visionnaire de l'artiste. Les compositions Pop-Rock vont à l'essentiel sans l'habillage "à la mode" et la production reste d'une grande sophistication. Il marque aussi un tournant dans les thèmes abordés : moins narcissiques, plus actuels. La tonalité générale n'est plus à la fiesta débridée ou au batifolage romantique.
Après une décennie passée à s'imposer comme Star mondiale, Prince passe à une nouvelle phase dans laquelle il n'a rien à démontrer et fait tout pour disparaître derrière un commentaire de l'actualité. Tout juste l'aperçoit-on sur la pochette de l'album, flou comme s'il voulait sortir du cadre et laisser son oeuvre parler pour lui. Sa musique est sans esbroufe, plus besoin d'épater la galerie avec des solos démonstratifs, mais la main et la voix du maître sont sûres, son esprit vif et son inspiration toujours là.

Le single "Sign O' The Times", avec son Video-Clip minimaliste, est la preuve de l'effacement de l'ego puisque Prince n'y apparaît pas. En laissant simplement le texte de la chanson défiler sur fond noir, tout en faisant varier la forme des caractères selon le tempo, le Clip devient indémodable. Les paroles sont un constat fulgurant des turpitudes de l'époque : le Sida, l'explosion de la navette Challenger, les Gangs, les exclus du système Capitaliste... Un résumé sordide qui se conclut par un "Let's fall in love, get married, have a baby" plein d'espoir.
L'artiste croque des portraits de ses contemporains. Dans le sublime "The Ballad of Dorothy Parker" il narre sa rencontre avec une serveuse de bar atypique, dont le nom est celui d'une vraie poétesse du début du XXe siècle. Soutenu par un couple rythmique/basse complexe, des variations de nappes synthétiques aux sonorités étouffées produisent un étrange effet semblable aux écrits caustiques de leur inspiratrice. Plus simple dans sa composition, le rafraîchissant "Starfish and Coffee" parle de souvenirs d'école imaginaires autour d'une enfant nommée Cynthia Rose. Structuré sur une ligne mélodique au piano et une batterie rejouée à l'envers, c'est une respiration sensible qui évoque la tolérance à la différence, comme cette fillette qui a toujours le sourire et porte des chaussettes de couleurs différentes.
"Play in the Sunshine", party-song joyeuse, et "Adore", slow Jazzy, constituent les titres les plus classiques de l'album, appartenants à des genres clairement identifiables musicalement et dans les thèmatiques abordées. Dans la ballade Rock "I could never take the place of your man" il refuse les avances d'une jeune femme tout juste larguée par son homme. Les temps changent ! Quelques années plus tôt elle aurait fini au fond du lit du Rude Boy ; -)

"If I was your Girlfriend" marque l'apparition du personnage de Camille, alter ego à la voix modifiée échappé du projet d'album solo sous pseudo. Dans son texte Prince questionne la frontière entre le sentiment amoureux et l'amitié. Il traverse le miroir et s'imagine en petite amie dans une relation lesbienne. Le titre débute sagement, en ballade Pop au contexte vaguement inquiétant avec ces voix au genre indéfini, avant de partir en décalage complet et finir sur un monologue hystérique ("We don't have 2 make love 2 have an orgasm") s'accélérant jusqu'au climax. Un must au même chapitre que "Strange Relationship", autre composition tellement originale et maîtrisée de bout en bout. Prince y dépeint une relation amoureuse conflictuelle ("Baby I just can't stand 2 see U happy / More than that I hate 2 see U sad"). La rythmique se fait plus binaire mais c'est le thème au synthé accouplé au chant qui donne la force au morceau. Preuve supplémentaire de la maturité atteinte par Prince, l'intimiste "Forever in my Life" est une vibrante déclaration d'un homme qui veut arrêter de courir après la vie pour se poser ("there comes a time in every man's life, when he get's tired of foolin around", on dirait du Yoda ; -). Le dialogue qui s'instaure entre les deux pistes vocales créé un jeu étonnant, Prince chantant différemment les mêmes paroles pour constituer une sorte de chanson en canon torturée.
Une autre déclaration, "The Cross", s'évade vers le Gospel après une lente progression. On y retrouve un élément qui parcoure toute l'oeuvre de Prince, influence de son enfance passée dans les églises de son quartier, sa foi indéfectible en Dieu ("Soon all of our problems, Will be taken by the Cross"). La guitare séche est d'abord le seul instrument suivant le chant, rejoint au fur et à mesure par une rythmique basique qui s'étoffe d'une basse, d'une guitare électrique et d'un gimmick oriental pour un final en apothéose.

Coté Funk, de nouvelles mutations donnent naissance à l'incroyable "Housequake", un nouvel étage au vaisseau cosmique Princier. Son flow imparable façon James Brown 2.0 et sa rythmique d'une précision d'orfèvre constituent un aboutissement en la matière, un mélange inexplicable de dépouillement et de profondeur. Cette signature d'un nouveau genre musical dont Prince est l'unique représentant, on la déguste également dans le titre Electro-Pop comme "U got the Look" (l'autre single de l'album avec Sign O'), plus taillé pour atteindre les Charts à l'instar de "Hot Thing", fusion Funk destinée aux Clubs.

L'album "Sign 'O' the Times" bénéficie d'une unité de ton, une homogénéité malgré la diversité des style musicaux abordés et l'interprétation souvent changeante d'un artiste aux multiples personnalités, avec ses voix triturées qui dialoguent au sein d'une même chanson. Cette cohérence, qu'on avait toujours connu dans les productions Princières, atteint ici son zénith. Mélangée à une prise de conscience qui lui fait quitter un temps les thèmes légers pour s'ancrer dans l'actualité et aborder ses marottes sous un angle plus "sérieux", cela donne l'un des Classiques de l'artiste et un point de référence des 80's.

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