Fun 9/10
Technique 8/10
Style RPG "Social"
Editeur / Langue Atlus / Import USA
Infos 1 DVD / 1 Player / Memory Card 67 Kb / Digital-Analog Control / Vibration Function
L'Heure Sombre a sonné.
Cela fait déjà plusieurs mois que les derniers Hits RPG ont atteint les rivages de notre vieille amie la PS2. Quelques Boss annexes traînent encore de çi de là dans mon FF12 et consorts, mais pour tout dire je commençais à envisager sérieusement le passage à la nouvelle génération de consoles. Il aura fallu que le Studio Atlus débarque en ce mois d'Août humide avec son "Shin Megami Tensai: Persona 3" (P3 pour les fainéants) version US pour me faire rallumer mamie PS2 avec enthousiasme. Pourquoi succomber une nouvelle fois à l'appel du old school, me direz-vous, alors que quelques RPG pointent enfin le bout de leur DVD sur Next-Gen ? Justement parce que sous ses airs de RPG Japonais traditionnel, Persona 3 cache moult surprises rafraichissantes.
Ca commence avec une présentation résolument actuelle : Intro vidéo-clipesque (les protagonistes prennent des poses comme des mannequins de mode), menus avec des animations chiadées façon MTV sur une musique J-Pop, cinématiques en animé moderne, et messages philosophiques subliminaux (en français dans le texte, "Je pense, donc je suis") ! P3 est donc le jeu "tendance" du moment sur une console pourtant complètement dépassée technologiquement parlant.
L'univers du jeu est contemporain, loin des mondes médiévaux ou futuristes qu'on nous propose habituellement. Et le personnage incarné, un étudiant japonais, est un archétype auquel chacun pourra s'identifier assez facilement si on excepte son souci capillaire (il a les cheveux couleur "bleu-mémé", le pauvre). Notre héros entre dans la grande tradition nippone du "muet sans patronyme", dont chaque réponse qu'il donne est contrôlée par le joueur. Un garçon qui ne prendra aucune initiative et laissera donc le joueur contrôler pleinement son destin, dans la limite du scénario prévu par les auteurs, évidemment.
Nous sommes en 2009, dans la ville de Port Island, au Japon. Un étudiant orphelin et mutique découvre sa nouvelle université en revenant dans cette cité qu'il quitta dix ans plus tôt. Dès son arrivée les choses se détraquent sérieusement, puisqu'à l'heure fatidique de minuit pile, la "Dark Hour", le monde se fige autour de lui et les quelques badauds présents se transmutent en cercueils lugubres ! Qu'importe pour notre ami le jeune, qui semble habitué à sa dose d'horreur quotidienne et traverse nonchalemment ce cimetierre ambulant (le joueur le soupçonne alors d'être un spectateur assidu de télé-réalité, qu'aucun vide intellectuel intersidéral ne viendra perturber). Quelle force de charactère ! Il se dirige tranquillement vers sa pension dans laquelle d'autres rencontres surprenantes l'attendent, qui vont le mener à intégrer une équipe de chasseurs de fantômes nommée "SEES", les célèbres inconnus "Specialized Extracurricular Execution Squad" (fallait le trouver, celui-là !). La menace est grande, mais comme d'hab vous êtes là pour faire le sale boulot.
Ceci marque le début d'une aventure originale, ancrée dans le présent, qui assure de ne croiser aucun guerrier ni princesse, aucun vaisseau spatial ni robot géant. Voila qui est rafraichissant dans l'univers du RPG en général et Japonais en particulier.
Cocktail sucré/salé.
Le principe de base de Persona 3 est un mix réussi entre deux genres pourtant généralement opposés. D'un coté le jeu d'aventure, dont le but est de vivre sa vie d'étudiant en créant du lien social avec ses amis du "SEES", ses camarades d'école et quelques habitants. De l'autre coté le RPG "Dungeon Crawl", qui survient régulièrement lors de la "Dark Hour", où l'on doit explorer des donjons générés aléatoirement sur des dizaines de niveaux et vaincre des Boss.
Les deux notions sont étroitement mélées, car c'est par le renforcement de vos relations avec les autres que vous obtiendrez la force de battre les Ombres et les Démons de minuit. Un astucieux système de cartes de tarot permet de suivre la progression de vos liens sociaux (Social Links). Chaque carte correspond à un archétype d'émotion, de comportement, bref, de personnalités. En votre qualité d'être élu, comme tous les membres du SEES, vous avez la possiblité d'invoquer ses personnalités en combat. Ce qui fait que plus vous serez attentif à votre environnement social dans la "vraie" vie, plus vos cartes de "Persona" gagneront en niveau, et donc plus vos invocations dans la "Dark Hour" seront puissantes.
Graphiquement le jeu propose une 3D bien stylisée, sans le luxe de détails des productions Square ou Level 5, mais avec une vraie "patte". Les persos sont bien croqués, et leur portrait en 2D s'affiche lors de chaque discussion, avec tous les changements d'expressions faciales façon manga. Hors donjon les décors sont assez fournis, mais il n'y a aucun zoom ou possiblité de déplacer la caméra. Dans les zones de combats c'est le contraire, on bouge le point de vue comme bon nous semble, mais l'ensemble du décor est assez dépouillé.
Dans les faits P3 déroule chaque journée selon un rythme immuable, depuis l'arrivée à l'école jusqu'à la sortie des cours, puis du retour au pensionnat jusqu'à l'Heure Sombre. Le jour on suit un cours de littérature, de math ou de physique, on s'inscrit aux différents clubs de l'école (Sports, Délégué de la classe, Art, etc), on rencontre d'autres élèves. Le soir on traîne en ville, on sort dans les bars et les restos, on dépense sa tune dans les boutiques, ou on étudie sagement dans sa chambrette. Ou bien encore on part avec sa troupe explorer le Donjon Tartarus, lieu maléfique en forme de Tour verticale vertigineuse dont chaque niveau est emplit d'Ombres qu'il vous faudra vaincre pour progresser, avec le Boss qui va bien à la fin de chaque section.
On va peu à peu découvrir ses collègues, chacun dévoilant son charactère au fil des conversations et en persévérant, certains deviendront des amis proches.
En cours des événements se déclenchent, des questions des profs qu'il vous faudra soigneusement noter pour pouvoir ensuite passer les examens sans souci. En banlieue vous pourrez visiter le temple local, le centre commercial ou la gare centrale. Pour faire de nouvelles rencontres vous devrez renforcer chacun de vos trois attributs, le Charme, le Courage et le Scolaire ("Academics"), en faisant vos activités quotidiennes. Par exemple passer du temps à la bibliothèque élève votre niveau "Scolaire", chanter dans un Karaoké booste votre Courage, et draguer gentiment un copine de classe à la cafét' augmente votre taux d'hormones, pardon, de Charme.
Tous les jours de nouvelles scénettes dévoilent des protagonistes, l'occasion de découvrir quasiment à chaque fois de nouvelles cartes "Sociales", qui ouvrent l'opportunité de trouver des Invocations de Personnas. Et ce n'est qu'un début, plongeons donc plus avant dans la tour infernale de Tartarus.
Tartarus et les Démons.
Le héros n'a aucune caractéristique définie, mis à part ses trois attributs déjà cités. Son Endurance, sa Force, son Agilité, sa Magie et toutes ses autres compétences lui sont transmises par le Persona qu'il maîtrise, c'est dire l'importance de ses derniers. Seul le héros peut d'ailleurs changer à volonté de Persona, les autres membres du groupe sont limités à une seule invocation qui évolue avec eux. Chaque Invocation donne accès à une liste de sort en rapport avec sa famille "Sociale". Certains des Personas soignent et protégent, d'autres font des dégats physiques en dépensant vos propres HP, d'autres enfin sont spécialisés dans les attaques magiques de feu, de glace d'électricité ou de Lumière grâce à vos points de magie. Les attaques élémentaires sont très importantes dans le jeu, puisqu'après avoir découvert la faiblesse d'un monstre par un "scan", on peut le mettre hors d'état de nuire rapidement en utilisant l'attaque adéquate. Les petits salopios en font d'ailleurs autant avec vous, qui chopez systématiquement les faiblesses de votre Persona.
En combat on ne dirige que le héros, les autres membres sont totalement autonomes si ce n'est une liste limitée d'ordres simples (priorité aux soins, viser une cible, ne rien faire). Vos amis sont plutôt bien gérés, il vous soigne, utilisent leur compétences, mais on reste bien loin des "gambits" de FF12. Les actions restent très classiques, du tour par tour avec les choix suivants : attaque physique, compétences du Persona, utilisation d'item, fuite ou changement de Persona. Mais tous les intervenants feront leur petit commentaire sur l'affrontement en cours, donnant un coté juvénile à l'ensemble.
L'exploration du Donjon unique consiste à trouver la sortie menant au niveau suivant. Guère passionnant je l'avoue, mais chaque étage est relativement bref et contient des ennemis toujours plus surprenants et des coffres à ouvrir de ses mains avides. Heureusement les ennemis sont visibles et on bascule en mode "combat" à leur contact. On peut séparer son groupe pour que chacun parte explorer de son coté dans le niveau (on surveille alors son état de santé et sa position avec le radar).
Les Ombres prennent des formes très originales, objets-mutants, animaux-démons et autres couples-danseurs-fantômes. De plus des notions assez rares sont prises en compte, comme par exemple la fatigue qui fera que vos collègues vous quitteront de leur plein gré lorsqu'ils en auront plein les bottes ! Ou bien une attaque globale de tout le groupe qui se déclenchera lorsque vous aurez mis tous les adversaires en difficulté en exploitant leur faiblesse. On peut aussi acquérir des sorts inédits en possédant plusieurs Persona spécifiques au même moment, à vous de trouver les bonnes combinaisons sachant que le nombre d'Invocations disponible est limité par votre niveau d'expérience.
Les téléporteurs permettant de revenir à l'entrée du Donjon sont de deux types : les premiers ne fonctionnent que pour un aller simple, à chaque étage, les seconds marchent dans les deux sens, et sont disposés généralement juste avant un Boss (histoire de revenir sauvegarder à l'entrée avant de remonter exploser le Patron). L'entrée de Tartarus contient aussi une porte menant au "Velvet Room", endroit mystique dans lequel le joueur pourra obtenir diverses petites missions et, plus important, fusionner ses Personas pour en découvrir de plus puissants. Le joueur assidu va donc passer des heures à trouver LA fusion ultime qui lui fera découvrir LE persona qui déchire avec des sorts de la mort. Une fois de plus l'importance des cartes du "Social Link" est grande, puisque vos Personas ainsi fusionés gagneront de gros bonus d'XP grâce à elles.
La "SEES" Academie, déconseillée à "Famille de France".
Le déroulement du jeu suit le calendrier scolaire Japonais, vacances et périodes d'examens comprises. Le grand intérêt du système de découpage de chaque journée est d'offrir des choix cruciaux à tout instant. Toutes les questions existentielles que l'on se pose lorsqu'on est étudiant sont passée en revue : dois-je dormir en cours ou me forcer à écouter ? Vais-je rejoindre l'atelier Couture ou l'équipe de natation ? Que conseiller à un ami qui nous avoue sa flamme pour une prof ? Que faire le dimanche, rejoindre un pote adepte de course à pied ou jouer au MMORPG avec une amie virtuelle ? Pourquoi faut-il être orphelin pour être le héros d'un RPG Japonais ? La réponse est que toute notre vie n'est qu'une suite de choix, inconscients ou non.
Il existe plus de vingt cartes de "Social Link" à découvrir, avec pour chacune d'entre elles plusieurs Personas, qui chacun pourront être fusionnés pour donner de nouvelles invocations. Voila qui donnera le tournis à l'amateur. La durée de vie s'en trouve allongée puisqu'un joueur ne pourra en aucun cas tout voir lors de sa première partie.
Sous son apparente simplicité et le peu de lieux disponibles, Persona 3 est un jeu riche et profond qui offre à la fois une aventure intéressante et un système de combat d'un niveau honnête. Les aventuriers du SEES sont attachants, même s'ils rejoignent les archétypes traditionnels du genre. Le jeune Junpei est le fonceur-dragueur de l'équipe, Yukari est la bonne copine au caractère bien trempé, Akihiro le beau gosse ambitieux, on peut continuer comme cela avec tout le "chara-design" de P3. Mais quel style ! Il faut voir notre héros déambuler les mains dans les poches, l'air totalement détaché de tout ce qui l'entoure. Ca nous change des "monsieur-je-sais-tout".
Et puis abordons le sujet qui fâche, la mise en scène de l'invocation des Personas. Lors de chaque bataille les héros ont recours à un ustensile particulier pour invoquer leur Persona, un "Evoker" qui prend la forme d'une arme de poing. On voit distinctement les persos pointer leur révolver à leur tête, pour se tirer "virtuellement" une balle et faire "sortir" l'invocation représentant la nouvelle personnalité endossée. En clair, les membres du SEES se "suicident" à tour de bras. Le geste, sorti de son contexte, peut être choquant. L'amalgame sera vite fait et exploité par les détracteurs habituels (émissions de type "Ca se discute" ou "Le droit de savoir"), le jeu vidéo, ce terrible fléau qui abruti et corromp notre jeunesse. Rappelons que Persona 3 s'adresse aux joueurs matures (la version US est interdite aux moins de 17 ans) et que son scénario place les protagonistes dans un univers appartenant au genre "Fantastique". Pas de panique donc, amis des média, vous pouvez continuer à vendre du temps de cerveau à vos annonceurs et nous foutre la paix ;-)
Shin Megami Tensei: Persona 3 appartient à la race des jeux uniques, mélant adroitement plusieurs genres du RPG et apportant ses propres nouveautés pour offrir au joueur une expérience dont il se souviendra longtemps. Un jeu qui compte dans la ludothèque pourtant déjà immense de l'antique PS2, et qui prouve qu'on n'a pas nécessairement besoin de dizaines de Gigas d'octets pour faire un bon jeu. Evidemment le jeu possède ses limites techniques à cause du support : temps de chargement un tantinet longuets et décors statiques. Mais en l'absence d'une vraie concurrence coté Next-gen -ce qui devrait changer dès cette fin d'année tout de même-, P3 est suffisament original et prenant pour tenir la dragée haute au "Full HD". C'est probablement le dernier de son espèce, possesseurs de PS2, profitez-en !
Jeu fini:
Comme la majorité des derniers RPG sortis sur PS2, Persona 3 offre une aventure à la durée de vie bien conséquente. Il faut en effet compter plus de 80 heures pour en faire le tour, et poursuivre l'histoire avec le tout nouveau add-on publié récemment en version US, Persona 3 FES. Une histoire aussi longue ne va pas sans d'inévitables longueurs, mais dans l'ensemble P3 offre suffisament de rebondissements, de personnages et d'idées dans son gameplay sagement disséminés pour que l'amateur soit pleinement contenté. Pour le fan, impossible de réaliser toutes les fusions de Persona mythiques (songez que dans la dernière partie de l'aventure, on peut effectuer des fusions de 6 Persona simultanément !). A chaque nouvelle découverte en la matière on exibe fièrement son gros stremon pour tester ses capacités. Mon compteur de découvertes n'a atteint que 78% après 85 heures de jeu. Pour le combat final une équipe de niveau 75+ est requise, avec une bonne gestion tactique (donner les bons ordres au bon moment) et du sang froid lorsqu'il vous faut compter sur vos coéquipiers pour vous soigner (rappelons que lors des combats, le joueur dirige seulement le héros). Un scénar vraiment original, des acteurs attachants qui vous obligeront à faire des choix cornéliens (impossible de "conclure" avec toutes les filles du jeu en une seule partie ;-), une leçon de vie allant plus loin que le triomphe du Bien sur le Mal, une très large dose de "dungeon crawling" qui vous vaccinera pour quelques mois (250 niveaux dans Tartarus), voila la recette du dernier chef d'oeuvre sur PS2.
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