jeudi 12 juillet 2018

GLOOMHAVEN (Jeu de société, en anglais)


Gloomhaven - Publié par Cephalofair Games

Avec Gloomhaven, l'auteur Isaac Childres a voulu recréer le feeling d'un Dungeon Crawler au tour par tour doublé d'un jeu de rôle à l'ancienne. Soit d'un coté la grille d'hexagones avec ses figurines et de l'autre une fine équipe autour d'une table, écoutant le Maître du Jeu conter une aventure épique en jetant frénétiquement des tonnes de dés. Cette joie de voir son avatar grandir au fil des semaines, acquérir fortune et gloire en traversant le continent et les adversaires. Puis terminer sa carrière au terme d'une épique épopée, triomphant sur un trône royal ou agonisant dans une fosse commune.
L'auteur s'est donc mis en tête de construire un jeu de plateau avec les mécaniques maniaques d'un jeu de stratégie tout en recréant ce sentiment de croissance, un monde qui évolue sur le long terme. Et plus qu'un système dans lequel les héro(ïne)s deviennent des Dieux et Déesses surpuissant(e)s au fil de leur montée de niveau, les doter chacun d'une quête personnelle au terme de laquelle ils prendront leur retraite pour laisser la place à des personnages inédits aux motivations différentes, qui continueront la saga. La garantie qu'on ne laissera pas une mortelle routine s'installer et que les joueuses et joueurs devront sortir de leur zone de confort pour découvrir de nouvelles façons de jouer pour franchir les obstacles.
Le tout sans recourir aux sacro-saints dés du hasard pour simuler le destin, mais avec des cartes pour tout gérer à la place d'un Maître du jeu démiurge.

Oui, le pari de Monsieur Childres était insensé. Et vous savez quoi ? Le bougre a réussi.




Le premier scénario, avec deux personnages
Pour les amateurs de jeux de plateau Heroic-fantasy, Gloomhaven est la production indépendante qui squatte depuis un an les TOP 10 des sites majeurs comme BoardGameGeek ou TricTrac. Un projet monté en Kickstart, dont le financement participatif a atteint des sommets, créé quasiment par un seul homme, à l'instar de Mage Knight.
Le premier contact avec Gloomhaven vous met direct dans l'ambiance : une boite énôôôrme pesant 9 kilos ! C'est du lourd, dans tous les sens du terme (à titre de comparaison, Mage Knight fait 2 Kg ;-). La big box contient 30 tuiles de décors de tailles variées, une grande mappemonde de la région, 18 figurines de personnages, des centaines de cartes, plaquettes, jetons, compteurs et marqueurs divers, des autocollants pour suivre l'avancée de la campagne, des carnets scellés à n'ouvrir que sous certaines conditions... et deux manuels : un de règles et un contenant les 95 scénarios à effectuer. Voilà pourquoi le jeu coûte 140 € dans sa 3e publication de cet été 2018, après avoir épuisé les deux précédentes.

Gloomhaven propose un monde inédit, peuplé de races singulières mixant toutes les influences des classiques du genre médiéval-fantastique. Cela va du bon gros tas de muscles nommé "Brute" au chétif "Mindthief", croisement humanoïde entre un rat et une chauve-souris pratiquant le contrôle psychique. Seulement six personnages sont accessibles lorsque vous débutez la campagne, les autres devront être "débloqués" en réalisant des quêtes personnelles qui s'étalent sur des dizaines de scénarios. De un à quatre joueurs vont donc monter une team tueuse, sachant qu'en solo il faudra manager deux personnages.

La cité de Gloomhaven et ses environs
Chaque héros et héroïne dispose de ses propres cartes, toutes divisées en deux parties (haute et basse) listant chacune une série d'actions. A chaque round vous devez jouer deux cartes de votre main et choisir la partie haute de l'une et basse de l'autre, ce qui détermine les actions du perso pour son tour. Ce système astucieux offre des combinaisons qui peuvent être très simples (toutes les cartes peuvent être utilisées pour une attaque ou un mouvement basiques de 2) mais s'avèrent autrement diaboliques : Attaque de 3 à aire d'effet à distance avec possibilité de consommer un élément magique en boost (texte du haut), puis Mouvement avec saut de 4 avec application de malus aux alliés adjacents à la case de départ et aux ennemis à la case d'arrivée (texte du bas) !

Vous avez mal à la tête ? Attendez qu'on parle des Modificateurs, ces cartes que vous piochez à chaque attaque pour augmenter ou diminuer les dégâts, de l'initiative qui détermine l'ordre des combattants et qui change à chaque round, des cartes dont les effets se prolongent sur plusieurs tours, des états que vous infligez ou recevez (poison, paralysie, réplique...), des équipements que vous pouvez activer pour modifier certains résultats, des points d'XP que vous accumulez en déclenchant sous conditions vos capacités, des invocations qui réagissent de façon autonome, des pièges divers et variés, des objectifs de scénario à réaliser pour obtenir des avantages permanents (tuer un quota d'ennemis, ramasser les trésors, etc). Ouf !
Et il faut aussi gérer l'ennemi qui dispose d'une fiche listant ses points de vie, de déplacement et d'attaque ainsi que ses capacités de base selon son niveau (adapté à celui des persos), complété par son propre paquet de cartes "Actions" selon son type, indiquant son initiative et son comportement pour le round en cours. Avec en plus, c'est cadeau ça m'fait plaisir, son propre paquet de Modificateur. Ça fait du taf.

Pour corser le tout il vous est interdit de détailler précisément à vos coéquipiers vos actions prévues. Vous pouvez juste leur indiquer en termes vagues, genre "je vais bouger vite et attaquer au corps-à-corps". Lorsque chacun dévoile ensuite son niveau d'initiative pour le tour, les surprises sont nombreuses et on doit parfois changer de stratégie en catastrophe en utilisant différemment les deux cartes qu'on a joué.

Un scénario présente le décor et liste les adversaires présents dans chaque salle. Il indique également les prérequis pour y accéder (avoir terminé tel scénario au préalable, avoir reçu tel haut-fait, etc) et les conséquences lorsqu'on le fini avec succès (gains de pognon et d'XP, dévoiler un nouveau lieu sur la carte, etc). Il y a toujours un texte d'ambiance décrivant l'endroit et les circonstances qui vous ont mené ici, intégré à l'histoire générale de votre découverte du pays et des protagonistes importants.

Des cartes "Événement" doivent être piochées et résolues lorsque vous parcourez la cambrousse ou visitez la ville. Ces brèves rencontres contiennent un descriptif de la situation et vous place devant plusieurs choix, votre équipe devra s'entendre pour prendre une décision puis retourner la carte pour lire le résultat.
Les conséquences seront tantôt heureuses, tantôt handicapantes, gains divers ou malus temporaires. Régulièrement, sous certaines circonstances, des événements spécifiques sont ajoutés afin de répercuter les changements que vos actions ont déclenchées.

La progression globale du pays est symbolisée par son niveau de prospérité. Par vos actions cette jauge augmente et ajoute petit à petit de nouveaux équipements dans les boutiques, tout en représentant le niveau auquel peut débuter un nouveau personnage. Car, comme nous l'avons dit, l'un des principes originaux du jeu est d'imposer la retraite aux personnages ayant réussi leur quête personnelle.
Cette quête est choisie parmi deux piochées lors de la création et prend la forme d'un objectif précis : tuer plusieurs ennemis d'un certain type, compléter des scénarios dans certains lieux, trouver et utiliser certains équipements, etc. Au terme de sa quête le héros doit obligatoirement prendre sa retraite, quitter définitivement la campagne, et le joueur ou la joueuse accède à l'un des personnages "verrouillés" pour poursuivre son périple.

Le héros Craigheart, ses cartes Action, sa quête, son équipement et tout le toutim.
Les classes des personnages donnent un nombre fixe de cartes en main (entre 8 et 12), qui ne change pas tout au long des 9 niveaux d'expérience. A chaque palier le joueur a l'opportunité d'ajouter une carte supplémentaire au pool de cartes disponibles pour créer sa main avant de débuter un scénario. Les niveaux supérieurs permettent d'accéder à des cartes aux actions plus puissantes.

Vous pouvez aussi, une fois certains hauts-faits accomplis, améliorer vos cartes acquises en achetant puis en collant des stickers de bonus directement à coté des actions. Ainsi un mouvement de 3 se verra adjoindre un "+1", une attaque un statut "Confusion" ou un soin un élément "Feu" créé.
Le leveling permet aussi de gagner des Perks pour remplacer ou ajouter des cartes à votre paquet Modifiers. Ainsi un malus "-1 dégât" est échangé avec un "+1" ou un effet "Blessure" est additionné à l'attaque, ce qui augmente vos chances de piocher un bénéfice en combat.

Votre plus gros challenge lors d'un scénario est la gestion de votre main. Vous êtes tenu de "dépenser" deux cartes par tour ou de vous reposer, sans faire d'action, pour récupérer vos cartes en défausse.
Quel est le problème, me direz-vous ? Les actions les plus efficaces réclament de "perdre" la carte qui les contient, c'est-à-dire de la placer en dehors de votre défausse, vous empêchant par la suite de la reprendre lors d'un repos. Au fil des rounds votre main s'amenuise, vous laissant de moins en moins d'actions possibles. D'autant plus que pour éviter les gros dégâts il est possible de perdre une de ses cartes défaussées. Mais lorsque vous n'en avez plus, votre héros est "épuisé" et quitte le scénario !

Il faut donc éviter de "griller" ses meilleures actions et les combiner au mieux pour créer une synergie avec vos alliés sur toute la durée d'une aventure. Selon la configuration des lieux, laisser venir à vous certains monstres ou au contraire foncer dans le tas et déclencher une attaque massive au bon moment. Savoir aussi utiliser les obstacles du décor pour se planquer, pousser les ennemis dans les pièges, activer les mécanismes pour ouvrir les portes, invoquer des alliés, gérer les éléments magiques avec le bon timing... Tout un art dans la gestion de sa "main", qui ne s'acquiert qu'après plusieurs défaites cuisantes.

On l'aura compris, Gloomhaven s'adresse aux fans aguerris. L'anglais n'est pas vraiment un souci puisqu'il existe une excellente traduction intégrale des règles, réalisée par un groupe d'amateurs passionnés. Le problème se situe plutôt sur la motivation nécessaire pour s'engager sur une longue durée. Même avec plusieurs séances de jeu par semaine, on n'est pas prêts de voir la fin de cette campagne ardue. Et même si des acharnés peuvent conclure l'histoire principale en quelques mois, il reste toujours les cartes de donjons aléatoires qui combinent décors et liste de monstres avec un niveau adaptatif pour les plus hardcore.
Gloomhaven réclame un fort investissement personnel mais récompense par l’ingéniosité de son système de combat, la richesse de son univers et l'inventivité constamment renouvelée de ses mécaniques de progression dans le jeu.


 
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