mardi 4 août 2020

CHAMPIONS OF HARA (Jeu de société, en anglais)

Champions of Hara - Greenbrier Games

De nos jours il est difficile de suivre le rythme des sorties de jeux de société, même si l'on se cantonne à la niche de ceux destinés aux "experts". On peut suivre la frénésie des sorties en s'obligeant à expérimenter chaque nouveauté pour les remiser rapidement sur une étagère poussiéreuse. On peut aussi se forcer à des choix douloureux, délaissant les productions ressemblant trop à celles qu'on possède déjà, paraissant trop simplistes, trop alambiquées ou n'ayant pas la hype.
CHAMPIONS OF HARA est un de ces cas typiques. Révélé confidentiellement il y a plusieurs années en Kickstart, il a bénéficié d'une sortie "officielle" dans le commerce en 2018 par l'éditeur Greenbrier Games sans jamais percer au delà du succès restreint de son cercle de fans, malgré une nouvelle extension sortie dans la foulée.

Pourtant, un jeu mêlant des mécaniques de Mage Knight, Spirit Island et Gloomhaven, dans un univers original richement illustré, avec de chouettes figurines sur de larges hexagones, ça aurait dû tilter, non ?


Bienvenue dans le Dojo, petit Scarabée

Champions of Hara est un mix d'influences, comme beaucoup de productions du nouvel Age d'Or des jeux de plateau. Son histoire est un mélange excentrique d'inspirations diverses, un monde magique instable régi par un conseil de Sages nommé le Kensei qui doit invoquer des héroïnes et des héros d'univers différents pour maitriser les forces chaotiques d'Hara.
On y contrôle des personnages aux caractéristiques uniques, comme la jeune Soff, handicapée physique dans son monde mais danseuse exaltée sur Hara, ou le duo Kaoru & Kuma, un garçon banni de sa tribu et l'ours de roches qu'il a créé grâce a ses nouveaux pouvoirs. On croise aussi un Roi déchu adepte d'arts martiaux, un inventeur de notre Terre du 19e siècle, une femme poursuivie par une secte de scientifiques pour sa capacité à manipuler la peur et un natif d'Hara responsable d'une grande catastrophe.
Chacun des protagonistes participe au grand championnat organisé par le Kensei, seul le vainqueur sera sacré Champion(ne) et verra son souhait le plus cher exaucé.

"Champions" peut être comparé à d'illustres concurrents, sa présentation initiale datant de 2014 on pourrait même dire qu'il n'a pas forcément copié sur son voisin et a simplement su humer l'air du temps.
Comme Spirit Island il propose un univers original, avec des graphismes style Comics nous sortant des sempiternels mondes Heroic-Fantasy ou S-F. On débute avec 4 cartes en main et on en gagnera que quelques unes de plus durant la partie, autre point commun avec Spirit. On retrouve aussi la relative simplicité de chaque mécanique. Des Points de Santé, d'Attaque et d'Esprit, des jauges d'énergies à remplir pour monter le niveau de son personnage, du mouvement et des portées qui limitent vos options, rien n'est compliqué quand on prend chaque élément séparément.
A l'instar de Gloomhaven, chaque Héros et Héroïne est unique. Seule une carte de déplacement est commune à tous les paquets, tout le reste s'appuie sur un gimmick propre au personnage. Cela leur donne un véritable caractère et une façon asymétrique de résoudre les problèmes et booster ses actions. Thomas doit se focaliser sur la fermeture des Failles pour gagner des Runes, Persephone doit subir des dégâts pour accumuler les points de Terreur et sublimer sa douleur, Oric choisit une Posture martiale lui octroyant un bonus et un malus pour le tour, etc. En augmentant ses jauges d'énergies, chaque personnage gagne de nouvelles cartes à inclure dans sa main, comme lors des gains de niveaux dans Gloomhaven.
Côté Mage Knight, l'inspiration se retrouve dans les cartes à double effet et le peu de place laissé au hasard dans les combats. Dans Hara, chaque carte possède un effet si elle est jouée depuis la main et un autre si on l'active depuis la table (un peu comme l'effet normal/avancé dans MK, ou haut/bas dans Gloom). On doit par conséquent anticiper l'usage d'une carte selon son état en main ou en jeu, en préparant à l'avance sa position pour utiliser la capacité voulue au bon moment. Les combats restent simples, Points d'Attaque contre Points de Santé, mais avec des mots-clés déclenchant diverses capacités (comme les icônes de compétences des ennemis dans MK). On ressent le même sentiment de devoir résoudre un puzzle à chaque nouveau tour pour progresser vers l'objectif.

Notre héros, perdu dans l'immensité des tuiles d'Hara

Les personnages vont se balader sur les hexagones géants des Mondes d'Hara, à la rencontre de Monstres et d'alliés, de failles à refermer et d'événements à challenger, de concurrents à éliminer et parfois de super-Boss (les Corrompus) à vaincre. Il existe deux modes de jeu distincts : l'arène et les scénarios.
En Versus Arena, les personnages sont en compétition pendant six jours (2 tours par jour) pour être sacré champion(ne) d'Hara. Pour cela il faut être la première ou le premier à maximiser ses 3 jauges d'énergie en atteignant la valeur 10 pour chacune, les points étant acquis principalement en se débarrassant des Monstres. Il faudra se déplacer en générant avec ses cartes des points de Mouvement puis en infligeant les dégâts nécessaires pour réduire la Santé des cibles à 0 en un seul tour (les ennemis régénèrent leur Santé à la fin de chaque tour).
Tout est affaire d'anticipation puisque vous ne pouvez activer que trois cartes par tour et devrez subir la contre-attaque de tous les Monstres à portée juste après votre tour.
Une fois une carte jouée depuis la main, elle reste sur la table mais on l'incline à 180° pour lire et activer son second effet (après quoi on la reprend en main). En alternant les effets "depuis la main" et ceux "depuis la table", on fini par accumuler suffisamment d'énergie pour étoffer son jeu et acquérir jusqu'à trois nouvelles cartes, plus une "ultime" (effet temporaire mais overpuissant).

L'autre versant du jeu concerne les Scénarios. Chaque Héroïne et Héros peut tenter de compléter son histoire personnelle sous la forme de deux scénarios (en compétition ou en coopération, selon l'histoire), au cours desquels chacun(e) peut débloquer une nouvelle Capacité exclusive. Les Champions ont aussi leur scénario final personnalisé, en solo, qui bouleverse les règles normales et termine leur quête personnelle.

La mort n'existe pas dans Hara. Un perso prenant trop de dégâts sera sanctionné par un retour dans le Dojo et une perte de 2 énergies, avant de retrouver sa Santé et son Esprit de départ. Cela fait partie d'une stratégie possible pour se déplacer efficacement dans les différents Mondes. Car chaque fin de manche entraîne un bouleversement dans la position des tuiles. Et d'un coup, un ennemi ciblé se retrouve à l'autre bout du plateau ! On pourra donc choisir de se sacrifier pour se téléporter dans le Dojo et ainsi s'approcher de sa proie sans dépenser ses précieux points de mouvements.

La zone du joueur : Oric, son plateau, ses cartes, ses objets

On peut ajouter des mini quêtes personnelles pour pimenter la difficulté. Ces cartes ajoutent deux objectifs à réaliser en plus de la mission principale, en général remplir certaines conditions puis affronter un Boss, un des sept Monstres survitaminés caché dans les paquets des Mondes gravitant autour du Dojo. Chaque tuile Monde est composée de six hexagones sur lesquels apparaissent monstres et événements. Chaque civilisation possède sa faune distincte, la sombre planète Drear abritant des bêtes inquiétantes tandis que le monde déjanté de Lunaridge cache des animaux fantastiques, notamment des éléphants roses lâchant des Champignons truffés une fois vaincus !

Chaque bestiole donne divers bonus d'énergie et quelquefois un objet défini. Chaque item dispose d'un effet propre, éphémère ou permanent. Ceci permet, une fois qu'on maitrise le jeu, de savoir précisément quel objet on va acquérir en tuant un ennemi particulier.
Toutes les créatures ne sont pas intrinsèquement belliqueuses, certaines possèdent la capacité "Allié" qui offre au personnage l'opportunité d'obtenir un bonus spécial sans l'affronter.

D'autres cartes ouvrent des Failles (Rifts), qu'on peut fermer pour gagner 1 énergie, voire plus si on réussit le défi associé. C'est ici que les points d'Esprit entrent en jeu. On doit les dépenser pour augmenter ses chances de réussir le challenge, consistant à atteindre le chiffre indiqué en lançant un dé à 6 faces. Problème : tous les challenges réclament un score de 5 ou 6, jusqu'à 7 ou 8 pour certains. On comprend que la dépense d'Esprit devient obligatoire pour espérer faire un succès avec un seul D6.
Les événements fonctionnent de la même façon, sauf qu'il faut dépenser son Esprit avant de lancer le dé. En cas d'échec ils occasionnent des malus douloureux (perte de Santé, etc.).

La Corrompue A'Shura défie notre frêle Oric
Champions of Hara dispose de pas mal d'atouts pour séduire le public des amateurs éclairés mais il navigue constamment entre deux eaux. Pas assez compliqué pour satisfaire les experts, tout en étant trop riche de possibilités pour s'adresser aux néophytes. Il est magnifiquement dessiné mais dans un univers inconnu qui brasse plein de références très éloignées les unes des autres. On y croise des grenouilles hallucinée, des créatures cauchemardesques et des êtres fantasmagoriques, dans des mondes tantôt marrants, tantôt désespérants. Il oscille entre humour second degré et cruelle réalité avec son ambiance mêlant folie débridée et corruption brutale, entre un roi du kung-fu et une victime de frayeurs indicibles.

Il est toutefois rehaussé par ses systèmes familiers mais délicats à mettre en œuvre ensembles, surtout dans les parties avec Scénario mettant en scène les Corrompus. Ces derniers, au nombre de trois, disposent de leur propre fiche descriptive, leur figurine géante et plein de capacités spéciales pour ravager les pauvres Champion(ne)s. Hara est aussi un jeu avec lequel on peut facilement inventer des variantes et de nouveaux scénarios en rapport avec l'histoire du jeu. Une série de vrais Comics a d'ailleurs été publiée par l'éditeur, pour suivre les aventures des Héros dans le multivers d'Hara.
La variété du fonctionnement des ressources des Héros garanti beaucoup de parties pour tout exploiter, certains personnages étant plus difficiles à gérer que d'autres. Sa faible diffusion achève son statut de jeu "culte", d'autant plus qu'il n'est disponible qu'en anglais et reste relativement cher (70 € et plus).


Manuel du jeu, traduit en Français : Règles Champions of Hara - FR (PDF version 1.1)
Docs et Vidéos de présentation de jeux : Jeux de plateau.

















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