|
Trickerion - Mindclash Games
|
A l'âge d'or de la discipline Reine de l'illusion sur scène, dans la Capitale Magoria
s'affrontent les prétendants à la succession du meilleur d'entre eux,
Dahlgaard. Les multiples représentants des quatre grandes écoles de
Magie vont devoir user de leur savoir-faire et de leurs ressources pour
apprendre des tours inédits, acheter le matériel requis, recruter le
personnel nécessaire, afin de préparer et monter leur spectacle devant
le public.
Avec Trickerion nous partons dans l'univers intrigant des tours de magie du temps jadis. Une époque où le public s'émerveillait encore devant des types en costards qui sortaient des lapins de leur chapeau haut-de-forme, sciaient en deux leurs assistantes et disparaissaient dans une malle des indes. Les deux auteurs ont eu la riche idée d'adapter ce concept aux jeux de plateau en général et au placement d'ouvriers en particulier, dans une compétition acharnée entre prestidigitateurs/tateuses rappelant furieusement "Le Prestige", film de Christopher Nolan de 1995.
Et de prestige il sera beaucoup question, puisque votre objectif est d'amasser fortune et gloire, à grands coups d'abracadabrantesques numéros de passe-passe.
|
La cité de Magoria et ses quatre quartiers encombrés
|
Le look old school de Trickerion avec ses illustrations façon siècle dernier fait beaucoup pour son ambiance. Un design volontairement chargé pouvant provoquer un sentiment de fouillis lorsqu'on découvre la plateau principal, avec ses icônes et emplacements noyés dans le riche décor de la ville. Les couleurs pâles, recréant le style du début des années 1900, et les cases contenant des symboles ésotériques collent parfaitement au thème mais sont totalement illisibles pour les nouveaux venus.
Nous sommes dans un univers de mystères, dans lequel la compétition entre Magicien(ne)s (de 2 à 4) les oblige à établir une stratégie cachée pour devenir le ou la meilleure. Précisons immédiatement que le jeu en solo requiert l'extension "Académie de Dahlgaard", vendue séparément et ajoutant un nouveau quartier au jeu tout en proposant un Automa à affronter seul(e). Notons également que seule la version anglaise est disponible sur le webshop de Mindclash Games mais que, comme souvent, des manuels traduits sont facilement accessibles sur le net.
Les règles retracent l'ensemble des actions nécessaires pour monter une équipe, apprendre des tours, acquérir les matériaux requis pour les exécuter, dénicher des astuces pour contourner le règlement et finalement jouer ses spectacles en enchainant les séquences le mieux possible. L'astuce est que, comme dans la plupart des jeux de placement d'ouvriers, vous avez un nombre limité de personnages et allez devoir choisir avec précaution où les assigner à chaque tour.
Vous débutez l'aventure avec votre Magicien, un Spécialiste et un Apprenti, chacun ayant un nombre de points d'action à dépenser par défaut. En les affectant aux quartiers de la ville, vous accédez à des activités coûtant entre 1 et 3 de ses précieux points. Le centre-ville permet de recruter du personnel, de passer à la banque ou d'apprendre un tour d'une des écoles de magie, le marché est l'endroit où vous vous procurerez les matériaux nécessaires à la préparation des numéros, etc.
La première personne visitant un lieu aura l'opportunité de gagner un bonus de points d'action, ce qui lui offrira potentiellement plus d'activités pour son personnage. Le système d'ordre d'initiative oblige les joueurs à dévoiler simultanément toutes les affectations de leurs personnages mais à les attribuer ensuite un par un et à tour de rôle. Ceci fait qu'il est primordial de tenir compte des placements des autres pour savoir ce qui sera disponible au moment où vous arriverez dans un quartier et calculer combien de points d'action vous aurez au total.
|
Le plateau d'un joueur en fin de partie, bien rempli !
|
Cette
dimension stratégique oblige à toujours prévoir un plan B et rester
prêt à s'adapter selon la situation, que ce soit au centre-ville où les
offres de personnel, de tours de magie et d'argent sont générées au
début de chaque manche en quantité limité (deux de chaque), au marché où
seuls quatre types de matériaux sont achetables (les autres doivent
être commandés et apparaitront au tour suivant) et au théâtre, le lieu
où sont joués les spectacles et qui donnent bonus ou malus selon le jour
choisi.
Le matériel de jeu est pléthorique. On trouve les 8 cartes de Magiciennes et Magiciens, chacun ayant bien sûr un pouvoir spécial, ainsi que les 48 tours de magie (12 par école), tous uniques. Chaque personnage est représenté par un petit disque coloré, les matériaux sont symbolisés par des jetons, de même que les symboles de tours permettant aux participants de marquer ceux leur appartenant.
Ces jetons de Tour de magie offrent une dimension tactique géniale. Pour monter un spectacle, on va les placer sur une grande carte représentant une salle de théâtre et comportant un certain nombre d'emplacements reliés entre eux. Certaines des cases sont liées par un cercle d'enchainement. Ce cercle donne un bonus de récompense lorsque deux tours de magie de la même école se suivent.
Lorsque le spectacle est joué, chacun gagne les récompenses (Prestige, fric et autre) des tours qu'il a accompli. Mais seul le Magicien principal, celui ayant réservé la salle pour un jour, récolte les gains d'enchainements et ceux indiqués sur la carte Spectacle. De plus, si ce Magicien est accompagné de ses Spécialistes en coulisse, il gagne des primes en sus !
Toute la difficulté est donc d'apprendre, de préparer et de monter un maximum de numéros sur scène, certains seront joués pendant le show d'un concurrent et d'autres feront partie de votre propre revue. Des subtilités supplémentaires vous oblige à respecter un positionnement spécifique selon l'école de magie du tour, ou empêche de produire deux fois le même tour pendant une représentation. Pas mal de brainstorming en perspective.
Trois types de Spécialistes sont disponibles, chacun ayant une capacité spécifique. L'Assistant permet d'avoir un Apprenti recruté de plus et bénévole (on ne lui paye pas de salaire à chaque fin de manche !), l'Ingénieur augmente le nombre d’emplacements Tour et permet le gain d'un jeton Tour en plus lors de sa préparation et le Manager ajoute deux cases pour stocker des Matériaux avec un bonus de +1 en quantité.
D'autres éléments viennent modifier les règles, comme les Éclats Trickerion qui peuvent être dépensés pour gagner +1 point d'action et donnent un bonus de Prestige en fin de partie. Les jetons Prophétie modifient le fonctionnement d'une action ou d'une magie durant une manche.
On trouve aussi les cartes d'affectations spéciales, qui changent les contraintes dans un quartier pour le personnage qui s'y rend. Bref, il existe beaucoup de moyens de tordre les lois régissant la ville de Magoria.
|
Un répertoire de tours de magie appris et préparés
|
Avec son concept unique, Trickerion demande un temps d'adaptation pour appréhender ses mécanismes imbriqués et les implications de nos choix. A partir de notions finalement assez logiques, avec un objectif clairement identifié (amasser du Prestige !), le jeu demande une organisation précise pour faire les choses dans l'ordre. Le problème à résoudre pour les joueurs est l'interaction organique entre concurrents, une action de l'un modifiant toutes les options disponibles dans un effet domino.
Le jeu en solo, avec "Dahlgaard's Academy", est un excellent moyen de comprendre quels paramètres doivent être prioritaires lorsqu'un choix se présente. En affrontant l'Héritier, l'adversaire automa guidé par des cartes de Plan, on saisit les concepts de lieux contestés et de priorité dans les options d'actions selon ses ressources actuelles.
Cette extension ajoute une nouvelle zone avec des moyens additionnels d'utiliser ses tours de magie, des Magiciens aux pouvoirs adaptés à ce lieu, un nouveau type de Spécialiste (le Protégé) et des dispositifs inédits comme les Bannières et les Secrets. De quoi allonger la durée de vie et aussi la durée des parties.
D'autres add-on, plus anecdotiques, ajoutent de nouvelles mécaniques au risque d'alourdir un ensemble déjà bien complexe. Un peu comme les nombreux modules pour Anachrony, autre production Mindclash Games, qui donnent un jeu trop ambitieux au final pour le commun des mortels (sauf si on est capable de jouer 20 parties d'échecs simultanément). Plus les exceptions et les options s'accumulent, plus on a de chance d'oublier un point de règle et plus la partie est ralentie par des pauses pour vérifier dans les manuels. On y perd en fluidité et en fun.
De base, Trickerion demande un certain investissement personnel. D'une part pour saisir ses règles et aussi concernant la durée des parties (3 heures en moyenne en mode normal). Il est cependant très gratifiant une fois qu'on le maitrise.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire