1999 (1982)
1999
Little Red Corvette
Delirious
Let's pretend we're Married
D.M.S.R.
A-U-T-O-matic
Something in the Water (does not compute)
Free
Lady Cab Driver
All the Critics loves U in New York
International Lover
Si les quatre albums précédents peuvent être considérés comme l'affirmation, étape par étape, du personnage Prince, "1999" est celui de la confirmation de son statut de Star aux USA. C'est avec cet album qu'il va s'imposer définitivement sur son sol natal, notamment grâce à la sympathique Ballade Rock "Little Red Corvette".
Un clip fleur bleue et une diffusion régulière sur la toute nouvelle chaîne nommée MTV, et voila l'ex-paria des médias, occulté pour cause d’obscénités répétées, devenu acceptable pour le grand public. Il faut dire que l'année 1982 est aussi celle de la consécration pour un autre artiste noir américain, Michael Jackson et son époustouflant "Thriller", dont le succès planétaire justifié éclipse quelque peu celui, plus modeste, du Kid de Minneapolis.
Prince tient son premier "gros" Hit en édulcorant sa formule magique, cependant le reste de l'album fait moins de concessions. Passé maître dans l'art de la programmation des "drum-lines", l'artiste nous livre son plus impressionnant titre Funk jusqu'alors. Avec sa célèbre rythmique électro imbriquée dans un gimmick accrocheur, l'imparable "1999" ouvre le bal façon "dance" dense d'apocalypse ("don't worry I won't hurt U, I only want U to have some fun"). On y décèle aussi, rétrospectivement, l'embryon du futur Hit de l'album suivant, "Let's go crazy".
Il conserve son coté bravache avec l'excellent "Let's pretend we're married", une composition Funk-Rock semblant échappée d'un ancien album où il est question, comme d'hab, de tester ses talents à l'horizontale jusqu'à plus soif, quitte à dérailler complètement sur la fin ("I wanna fuck U so bad it hurts, it hurts, it hurts / I sincerely wanna fuck the taste out of your mouth"). Ou encore "D.M.S.R", hymne aux beautiful people qui hantent les dancefloors, à la rythmique lourde et au refrain scandé comme un slogan ("Dance, Music, Sex, Romance !", voila enfin un véritable projet politique ; -).
Le reste des chansons prend un tour nettement électro, notamment les excellents "AUTOmatic" et "Something in the water (does not compute)". La tonalité inquiétante et les paroles zarbis donne une ambiance inédite, entraperçue précédemment avec le titre "Annie Christian", qui tranche résolument avec le style jusqu'alors romantique ou festif de Prince. L'amour obsessionnel décrit dans "AUTOmatic" montre le coté angoissant d'une passion exclusive ("No1 else could understand U, you're 2 complex, They say nothing's perfect, but they don't know U"). Le titre se termine sur un choeur de femmes en pleurs, après cette sentence implacable "I can hear U, I'm going 2 have 2 torture U now". Bonjour la flippe. Idem concernant "Something in the water", Prince passe en mode parano lorsqu'il ne parvient pas à satisfaire sa bien-aimée ("Must be something in the water U drink 'cuz why else would a woman wanna treat a man so bad?").
Les deux titres Rock de l'album, "Lady Cab Driver" et "All the Critics love U in New York", nerveux et efficaces, sont eux aussi décalés par rapport à ce que proposait l'artiste naguère. Prince réussi à mêler une sorte de mystique poétique avec un second degré libérateur dans l'écriture de ses textes, et reste incroyablement inspiré mélodiquement, partant dans des solos guitaristiques bien démonstratifs de ses capacités. Dans le premier il tente de se libérer de lui-même, s'évader de la solitude à l'aide d'une chauffeuse de taxi ("Lady, I'm so lonely, I know that's not the way 2 be, Don't want isolation, but the air it makes me cold, Drive it, baby, drive it, drive this demon out of me"). L'escapade escalade jusqu'au climax lors duquel notre Prince règle ses problèmes en prenant la jeune femme à la hussarde, probablement sur la banquette arrière de son taxi. Bah oui, on ne se refait pas. Le garçon continue à régler ses comptes dans "All the critics", cette fois avec l'hypocrisie du milieu artistique dans lequel il évolue depuis maintenant quelques années ("U don't have 2 keep the beat, they'll still think it's neat - in New York").
1999 est le premier double-album de Prince. Cela est en partie du à la durée des titres, qui pour la plupart dépassent allègrement les cinq minutes. S'il reste quelques vestiges de la première époque Princière avec des chansons Pop anecdotiques comme "Delirious" et les slows un peu datés "International Lover" ou "Free", la matière principale de cette production est neuve, et peut être vue comme le pont hybride entre la période Funk-Disco "Dirty Mind" et le choc Rock "Purple Rain".
Avec ses longues plages instrumentales inventives, ses sonorités nouvelles, ses textes plus aériens, cette production permet à Prince de prendre une envergure qui préfigure ses futurs chefs d'oeuvre.