Fun 9/10
Technique 9/10
Style Action Plateforme
Editeur / Langue SEA / Import USA
Infos 1 DVD (double couche) / 1 Player / Memory Card 130 Kb / Analog Control / Vibration Function
L'éphémère beauté d'une gerbe de sang jaillissant d'une tête tranchée.
La Grèce antique, ce n'est pas que l'invention de la philosophie, de la conscience politique et de la littérature mythologique. C'est avant tout, chaque historien compétent vous le dira, la naissance d'un mémorable jeu d'action sur la PlayStation 2. "God of War" c'était de l'action brutale non-stop avec Kratos, un héros sévèrement burné. Surnommé "Le désanusseur de Montargis", ce charismatique psychopathe vivait une aventure mouvementée lors de son arrivée en 2004 sur une PS2 alors au faîte de sa gloire. Personnage maudit, traînant un très mauvais karma et se mettant à dos des divinités par paquets de douze, Krikri-la-poisse terminait son odyssée vengeresse en acquérant son statut de Dieu Ultime de la Baston en lieu et place d'Ares (avec en prime une carte de membre de l'Olympe lui donnant droit à 50% de réduc' à la cantoche).
Aujourd'hui le destin du guerrier Spartiate va de nouveau être chamboulé. Faut dire qu'il s'emmerde ferme sur le mont Olympe, ils n'ont même pas Internet pour jouer à World of Warcraft ! Notre Kratounet, en sa qualité de Dieu de la Guerre, tue le temps en rasant des villes entières, à l'aide de ses armées humaines. Comme c'est un grand farceur il descend lui-même sur le champ de bataille, prenant la forme d'un titan. Kratos est content, il tue des gens, c'est son passe-temps. Mais alors qu'il détruit méthodiquement la cité de Rhodes, ses collègues de boulot lui tendent un piège machiavélique, profitant de son incarnation terrestre temporaire pour lui retirer subitement tous ses pouvoirs. Sale temps pour Krikri, fini les primes d'heures sup' divines et les RTT avec Aphrodite la Déesse de l'Amour, le voila redevenu fragile mortel.
Et comme Kratos continue à n'en faire qu'à sa tête et réussi à mettre minable le colosse de Rhodes chargé de l'éliminer, Zeus se met en pétard : il banni aux enfers son ex-meilleur pote. Le commencement d'une épopée grandiose pour notre musculeux grand chauve...
God Of War II n'est qu'une suite, mais boostée aux amphétamines. Tous les éléments de gameplay ont été repris et amplifiés, les graphismes 3D et de synthèse sublimés, le rythme galvanisé. Evidemment cela reste de l'action-plateforme somme toute assez basique, sur une console désormais old-school. Mais avec ce petit supplément de savoir-faire, cette maîtrise de la mise en scène, les auteurs nous poussent constamment à progresser pour voir ce qu'ils nous ont réservé. On retrouve notre héros en vue à la 3e personne, avec une caméra non gérée par le joueur mais qui suit toujours l'action, s'éloignant lors des affrontements de masse, s'approchant des protagonistes lors des spectaculaires séquences de coups spéciaux. Le principe est toujours le même, avancer malgré les hordes de monstres qui vous tombent sur le coin de la tronche, pilloner les boutons d'attaque pour massacrer la piétaille et trouver les points faibles des ennemis balaises pour déclencher et enchaîner les attaques qui font mal. De la charcuterie, oui, mais de la boucherie fine !
La douce mélodie des râles ennemis.
Une fois perdu ses attributs divins, Kratos devra reconquérir une à une toutes ses armes et techniques. On commence avec les lames d'Athena, deux coutelas maintenus aux bras par des chaînes extensibles. Aussi nommées "Gillette", la première lame entaille la chair et la seconde tranche le membre avant qu'il ne se rétracte, ces "Athena's Blade" constituent l'armement principal du héros. Viennent ensuite un arc magique, indispensable pour se débarrasser des archers hors de portée, une masse gigantesque -plus haute que Kratos- qui permet de faire le ménage rapidement en la faisant tournoyer comme un lanceur de marteau, et enfin une lance cracheuse d'éclairs assez redoutable face aux ennemis volants. Pour l'ultime arme obtenue en toute fin de partie, je vous laisse le plaisir de la découverte. Le maniement devient instinctif en quelques minutes : deux boutons pour frapper, un pour saisir et le dernier pour sauter. Les gachettes servent à parer ou utiliser la magie. Les sticks analogiques servent aux déplacements (course et roulades).
Chaque cible abattue relâche des orbes rouges que l'on peut accumuler comme des points d'expérience. On en trouve aussi dans les coffres, ainsi que des recharges d'énergie vitale ou magique. Au joueur de dépenser l'expérience engrangée pour acquérir de nouveaux mouvements d'attaque toujours plus dévastateurs. Les rencontres alternent bourrinages frénétiques et affrontements plus subtils où l'on devra s'approcher et saisir les monstres, puis suivre les instructions apparaissant brièvement à l'écran pour leur faire la misère. Et là, c'est la Fiesta Del Slipo ! On attrape la victime à la manière d'un lutteur, on se contortionne autour de lui pour le paralyser, avant le coup final qui lui explose littéralement la ganache dans une symphonie de craquement d'os et de cris bestiaux.
L'armement ne suffit pas pour espérer vaincre les hordes lancées à vos trousses, Kratos va batailler ferme pour arracher leurs savoirs mystiques aux Boss osant se mettre en travers de son chemin. On retrouve les sorts magiques présents dans le premier épisode : ondes électriques paralysantes ou tête coupée de méduse qui statufie l'adversaire. Les auteurs ont ajouté de nouvelles compétences permettant de résoudre diverses énigmes : une amulette du Destin qui s'active temporairement près des statues adéquates et ralentit le temps, ainsi que les ailes d'Icare donnant à Kratos la possibilité de planer sur quelques mètres après un double saut. La chasse aux salles secrètes est ouverte. Dernière capacité, et non des moindres puisque très utile pour se débarrasser des Boss les plus puissants, la possibilité d'absorder les sorts adverses (il faut se mettre en "garde" à la micro-seconde où le sort vous atteint) pour les renvoyer à l'expéditeur.
Le subtil fumet des corps calcinés.
Le long périple de Kratos va le mener des profondeurs insondables de la Terre aux plus hauts cieux, traversant au passage moult palais magnifiques, forêts lugubres et marécages insalubres. A chaque découverte l'environnement graphique et sonore est un vrai plaisir, avec une grande profondeur de champ et une bonne quantité d'animations qui font vivre l'ensemble. Les décors sont luxueux, les ennemis nombreux, les couleurs vibrent, les sons pétaradent, mamie PS2 n'est toujours pas dans la tombe. Des événements scriptés se déclenchent lorsque vous franchissez certains passages, montrant au joueur par un mouvement de caméra le parcours à effectuer pour trouver la sortie, ou délivrant une courte scène cinématique faisant avancer le scénario. Ces séquences réalisées avec le moteur 3D du jeu sont déjà très impressionnantes, mais celles en synthèse font partie des plus éblouissantes jamais réalisées sur PS2. Evidemment il faut aimer le grand spectacle Hollywoodien -pas de place pour la métaphysique-, mais les auteurs américains s'embarrassent moins que leurs confrères nippons pour montrer des corps un peu dénudés et des images brutales s'adressant aux adultes. God of War II, ce n'est clairement pas pour les bambins, ça fait plaisir.
On affronte tout le bestiaire Grecque : des soldats en jupette, des Cerbères, des Minotaures, des Harpies, des Cyclopes, des Morts-vivants et de la Feta Salakis (au bon lait de brebisss). Le programme est aussi palpitant qu'un week-end trecking en Outre-Quiévrain : escalade, ponts suspendus, sauts de lianes en lianes façon tarzan, plongée sous-marine, etc. Et surtout activer des leviers ouvrant des passages et mettant en branle les pièges sournois concoctés par les auteurs pervers. Il y a peu de redites et pas de phases d'exploration exagérément longue, le rythme est constament effréné. On a même droit à de nerveuses séquences de vol à dos de Pegase, mythique cheval ailé, où ici encore vos talents de négociateur seront mis à contribution (la négociation façon Kratos consistant à arracher avec délicatesse les ailes de ses poursuivants). Un grand poète ce Kratos, la muse l'habite.
Le jeu est intense mais bref, comptez entre dix et douze heures pour le terminer. Il faut une certaine dextérité et un peu de jugeote pour trouver la clé de certains puzzles. Une ou deux fois j'ai dû refaire un tour dans le descriptif des actions disponibles pour comprendre comment déplacer tel ou tel objet du décor et libérer l'obstacle bloquant la suite des événements (petite astuce au passage : vous pouvez donner un grand coup de pied dans les statues mobiles pour les envoyer par dessus les obstacles).
Une fois la succulente séquence de fin visionnée, plusieurs bonus incitent le joueur à refaire une partie : des modes de jeu "hard" et "Ultimate", des challenges offrants des "urnes" spéciales au vainqueur (magie infinie, etc) et de nouvelles armures boostant les caractéristiques. De quoi occuper les amateurs, le temps qu'ils économisent pour acheter une PS3 en fin d'année.
Jeu fini :
Comme indiqué la durée de vie s'avère peu élevée, un peu moins de douze heures en ce qui me concerne, mais on ne s'ennuit pas une minute. Certains Boss vraiment vicieux donnent du fil à retordre, mais dans l'ensemble l'aventure est fluide et sans trop de prise de tête (en mode "normal"). Reste à présent à tenter les différents "Challenge of the Titans" et puis repartir pour un tour dans l'aventure, cette fois-ci en mode difficile. Coté histoire on est assuré qu'une suite arrivera sur next-gen puisque God of War II se termine sur un bon gros suspens insoutenable, dont on ne connaîtra la résolution que dans deux ou trois années... le temps que les auteurs programment GoW III sur PS3. Argl, quelle cruauté !
Films, Livres, Jeux, Musiques, Synopsis, Playlists, Chroniques, Prince... Mes critiques, aides, analyses et autres billevesées.
samedi 31 mars 2007
vendredi 30 mars 2007
Sign "O" the Times (1987)
Dans notre série "Chroniquons un album de Prince 20 ans après sa sortie", voici venu le temps de...
Le Grand Classique.
Après l'annonce officielle de la fin de son groupe "The Revolution", Prince garde une cadence effrénée de production durant l'année 1987. Il compose et arrange tous les titres des nouveaux albums pour d'autres artistes (Sheila E. et Jill Jones) et est co-auteur de deux albums Jazz avec son ami Eric Leeds sous le nom de groupe Madhouse ("8" et "16"). L'inspiration ne semble jamais se tarir puisque l'artiste projette pour lui-même la gestation de divers albums simples (sous le pseudo Camille), doubles ("Dream Factory") ou triple ("Crystal Ball"). Damned !
Sont-ce les dures réalités économiques qui auront calmé l'impétueux prodige ? Ou, plus sûrement, un éclair de raison qui aura su ramener Prince à une sage décision ? Le nouvel album ne sera "que" double et constitue encore aujourd'hui un de ses plus brillant joyaux : Sign O' The Times.
Passé l'exubérance des galettes précédentes cet album d'une clarté si limpide et d'une justesse si évidente impose définitivement l'image de génie visionnaire de l'artiste. Les compositions Pop-Rock vont à l'essentiel sans l'habillage "à la mode" et la production reste d'une grande sophistication. Il marque aussi un tournant dans les thèmes abordés : moins narcissiques, plus actuels. La tonalité générale n'est plus à la fiesta débridée ou au batifolage romantique.
Après une décennie passée à s'imposer comme Star mondiale, Prince passe à une nouvelle phase dans laquelle il n'a rien à démontrer et fait tout pour disparaître derrière un commentaire de l'actualité. Tout juste l'aperçoit-on sur la pochette de l'album, flou comme s'il voulait sortir du cadre et laisser son oeuvre parler pour lui. Sa musique est sans esbroufe, plus besoin d'épater la galerie avec des solos démonstratifs, mais la main et la voix du maître sont sûres, son esprit vif et son inspiration toujours là.
Le single "Sign O' The Times", avec son Video-Clip minimaliste, est la preuve de l'effacement de l'ego puisque Prince n'y apparaît pas. En laissant simplement le texte de la chanson défiler sur fond noir, tout en faisant varier la forme des caractères selon le tempo, le Clip devient indémodable. Les paroles sont un constat fulgurant des turpitudes de l'époque : le Sida, l'explosion de la navette Challenger, les Gangs, les exclus du système Capitaliste... Un résumé sordide qui se conclut par un "Let's fall in love, get married, have a baby" plein d'espoir.
L'artiste croque des portraits de ses contemporains. Dans le sublime "The Ballad of Dorothy Parker" il narre sa rencontre avec une serveuse de bar atypique, dont le nom est celui d'une vraie poétesse du début du XXe siècle. Soutenu par un couple rythmique/basse complexe, des variations de nappes synthétiques aux sonorités étouffées produisent un étrange effet semblable aux écrits caustiques de leur inspiratrice. Plus simple dans sa composition, le rafraîchissant "Starfish and Coffee" parle de souvenirs d'école imaginaires autour d'une enfant nommée Cynthia Rose. Structuré sur une ligne mélodique au piano et une batterie rejouée à l'envers, c'est une respiration sensible qui évoque la tolérance à la différence, comme cette fillette qui a toujours le sourire et porte des chaussettes de couleurs différentes.
"Play in the Sunshine", party-song joyeuse, et "Adore", slow Jazzy, constituent les titres les plus classiques de l'album, appartenants à des genres clairement identifiables musicalement et dans les thèmatiques abordées. Dans la ballade Rock "I could never take the place of your man" il refuse les avances d'une jeune femme tout juste larguée par son homme. Les temps changent ! Quelques années plus tôt elle aurait fini au fond du lit du Rude Boy ; -)
"If I was your Girlfriend" marque l'apparition du personnage de Camille, alter ego à la voix modifiée échappé du projet d'album solo sous pseudo. Dans son texte Prince questionne la frontière entre le sentiment amoureux et l'amitié. Il traverse le miroir et s'imagine en petite amie dans une relation lesbienne. Le titre débute sagement, en ballade Pop au contexte vaguement inquiétant avec ces voix au genre indéfini, avant de partir en décalage complet et finir sur un monologue hystérique ("We don't have 2 make love 2 have an orgasm") s'accélérant jusqu'au climax. Un must au même chapitre que "Strange Relationship", autre composition tellement originale et maîtrisée de bout en bout. Prince y dépeint une relation amoureuse conflictuelle ("Baby I just can't stand 2 see U happy / More than that I hate 2 see U sad"). La rythmique se fait plus binaire mais c'est le thème au synthé accouplé au chant qui donne la force au morceau. Preuve supplémentaire de la maturité atteinte par Prince, l'intimiste "Forever in my Life" est une vibrante déclaration d'un homme qui veut arrêter de courir après la vie pour se poser ("there comes a time in every man's life, when he get's tired of foolin around", on dirait du Yoda ; -). Le dialogue qui s'instaure entre les deux pistes vocales créé un jeu étonnant, Prince chantant différemment les mêmes paroles pour constituer une sorte de chanson en canon torturée.
Une autre déclaration, "The Cross", s'évade vers le Gospel après une lente progression. On y retrouve un élément qui parcoure toute l'oeuvre de Prince, influence de son enfance passée dans les églises de son quartier, sa foi indéfectible en Dieu ("Soon all of our problems, Will be taken by the Cross"). La guitare séche est d'abord le seul instrument suivant le chant, rejoint au fur et à mesure par une rythmique basique qui s'étoffe d'une basse, d'une guitare électrique et d'un gimmick oriental pour un final en apothéose.
Coté Funk, de nouvelles mutations donnent naissance à l'incroyable "Housequake", un nouvel étage au vaisseau cosmique Princier. Son flow imparable façon James Brown 2.0 et sa rythmique d'une précision d'orfèvre constituent un aboutissement en la matière, un mélange inexplicable de dépouillement et de profondeur. Cette signature d'un nouveau genre musical dont Prince est l'unique représentant, on la déguste également dans le titre Electro-Pop comme "U got the Look" (l'autre single de l'album avec Sign O'), plus taillé pour atteindre les Charts à l'instar de "Hot Thing", fusion Funk destinée aux Clubs.
L'album "Sign 'O' the Times" bénéficie d'une unité de ton, une homogénéité malgré la diversité des style musicaux abordés et l'interprétation souvent changeante d'un artiste aux multiples personnalités, avec ses voix triturées qui dialoguent au sein d'une même chanson. Cette cohérence, qu'on avait toujours connu dans les productions Princières, atteint ici son zénith. Mélangée à une prise de conscience qui lui fait quitter un temps les thèmes légers pour s'ancrer dans l'actualité et aborder ses marottes sous un angle plus "sérieux", cela donne l'un des Classiques de l'artiste et un point de référence des 80's.
Sign "O" the Times (1987)
Sign "O" the Times
Play in the Sunshine
Housequake
The Ballad of Dorothy Parker
It
Starfish and Coffee
Slow Love
Hot Thing
Forever in my Life
U got the Look
If I was your Girlfriend
Strange Relationship
I could never take the Place of your Man
The Cross
It's gonna be a beautiful Night
Adore
Le Grand Classique.
Après l'annonce officielle de la fin de son groupe "The Revolution", Prince garde une cadence effrénée de production durant l'année 1987. Il compose et arrange tous les titres des nouveaux albums pour d'autres artistes (Sheila E. et Jill Jones) et est co-auteur de deux albums Jazz avec son ami Eric Leeds sous le nom de groupe Madhouse ("8" et "16"). L'inspiration ne semble jamais se tarir puisque l'artiste projette pour lui-même la gestation de divers albums simples (sous le pseudo Camille), doubles ("Dream Factory") ou triple ("Crystal Ball"). Damned !
Sont-ce les dures réalités économiques qui auront calmé l'impétueux prodige ? Ou, plus sûrement, un éclair de raison qui aura su ramener Prince à une sage décision ? Le nouvel album ne sera "que" double et constitue encore aujourd'hui un de ses plus brillant joyaux : Sign O' The Times.
Passé l'exubérance des galettes précédentes cet album d'une clarté si limpide et d'une justesse si évidente impose définitivement l'image de génie visionnaire de l'artiste. Les compositions Pop-Rock vont à l'essentiel sans l'habillage "à la mode" et la production reste d'une grande sophistication. Il marque aussi un tournant dans les thèmes abordés : moins narcissiques, plus actuels. La tonalité générale n'est plus à la fiesta débridée ou au batifolage romantique.
Après une décennie passée à s'imposer comme Star mondiale, Prince passe à une nouvelle phase dans laquelle il n'a rien à démontrer et fait tout pour disparaître derrière un commentaire de l'actualité. Tout juste l'aperçoit-on sur la pochette de l'album, flou comme s'il voulait sortir du cadre et laisser son oeuvre parler pour lui. Sa musique est sans esbroufe, plus besoin d'épater la galerie avec des solos démonstratifs, mais la main et la voix du maître sont sûres, son esprit vif et son inspiration toujours là.
Le single "Sign O' The Times", avec son Video-Clip minimaliste, est la preuve de l'effacement de l'ego puisque Prince n'y apparaît pas. En laissant simplement le texte de la chanson défiler sur fond noir, tout en faisant varier la forme des caractères selon le tempo, le Clip devient indémodable. Les paroles sont un constat fulgurant des turpitudes de l'époque : le Sida, l'explosion de la navette Challenger, les Gangs, les exclus du système Capitaliste... Un résumé sordide qui se conclut par un "Let's fall in love, get married, have a baby" plein d'espoir.
L'artiste croque des portraits de ses contemporains. Dans le sublime "The Ballad of Dorothy Parker" il narre sa rencontre avec une serveuse de bar atypique, dont le nom est celui d'une vraie poétesse du début du XXe siècle. Soutenu par un couple rythmique/basse complexe, des variations de nappes synthétiques aux sonorités étouffées produisent un étrange effet semblable aux écrits caustiques de leur inspiratrice. Plus simple dans sa composition, le rafraîchissant "Starfish and Coffee" parle de souvenirs d'école imaginaires autour d'une enfant nommée Cynthia Rose. Structuré sur une ligne mélodique au piano et une batterie rejouée à l'envers, c'est une respiration sensible qui évoque la tolérance à la différence, comme cette fillette qui a toujours le sourire et porte des chaussettes de couleurs différentes.
"Play in the Sunshine", party-song joyeuse, et "Adore", slow Jazzy, constituent les titres les plus classiques de l'album, appartenants à des genres clairement identifiables musicalement et dans les thèmatiques abordées. Dans la ballade Rock "I could never take the place of your man" il refuse les avances d'une jeune femme tout juste larguée par son homme. Les temps changent ! Quelques années plus tôt elle aurait fini au fond du lit du Rude Boy ; -)
"If I was your Girlfriend" marque l'apparition du personnage de Camille, alter ego à la voix modifiée échappé du projet d'album solo sous pseudo. Dans son texte Prince questionne la frontière entre le sentiment amoureux et l'amitié. Il traverse le miroir et s'imagine en petite amie dans une relation lesbienne. Le titre débute sagement, en ballade Pop au contexte vaguement inquiétant avec ces voix au genre indéfini, avant de partir en décalage complet et finir sur un monologue hystérique ("We don't have 2 make love 2 have an orgasm") s'accélérant jusqu'au climax. Un must au même chapitre que "Strange Relationship", autre composition tellement originale et maîtrisée de bout en bout. Prince y dépeint une relation amoureuse conflictuelle ("Baby I just can't stand 2 see U happy / More than that I hate 2 see U sad"). La rythmique se fait plus binaire mais c'est le thème au synthé accouplé au chant qui donne la force au morceau. Preuve supplémentaire de la maturité atteinte par Prince, l'intimiste "Forever in my Life" est une vibrante déclaration d'un homme qui veut arrêter de courir après la vie pour se poser ("there comes a time in every man's life, when he get's tired of foolin around", on dirait du Yoda ; -). Le dialogue qui s'instaure entre les deux pistes vocales créé un jeu étonnant, Prince chantant différemment les mêmes paroles pour constituer une sorte de chanson en canon torturée.
Une autre déclaration, "The Cross", s'évade vers le Gospel après une lente progression. On y retrouve un élément qui parcoure toute l'oeuvre de Prince, influence de son enfance passée dans les églises de son quartier, sa foi indéfectible en Dieu ("Soon all of our problems, Will be taken by the Cross"). La guitare séche est d'abord le seul instrument suivant le chant, rejoint au fur et à mesure par une rythmique basique qui s'étoffe d'une basse, d'une guitare électrique et d'un gimmick oriental pour un final en apothéose.
Coté Funk, de nouvelles mutations donnent naissance à l'incroyable "Housequake", un nouvel étage au vaisseau cosmique Princier. Son flow imparable façon James Brown 2.0 et sa rythmique d'une précision d'orfèvre constituent un aboutissement en la matière, un mélange inexplicable de dépouillement et de profondeur. Cette signature d'un nouveau genre musical dont Prince est l'unique représentant, on la déguste également dans le titre Electro-Pop comme "U got the Look" (l'autre single de l'album avec Sign O'), plus taillé pour atteindre les Charts à l'instar de "Hot Thing", fusion Funk destinée aux Clubs.
L'album "Sign 'O' the Times" bénéficie d'une unité de ton, une homogénéité malgré la diversité des style musicaux abordés et l'interprétation souvent changeante d'un artiste aux multiples personnalités, avec ses voix triturées qui dialoguent au sein d'une même chanson. Cette cohérence, qu'on avait toujours connu dans les productions Princières, atteint ici son zénith. Mélangée à une prise de conscience qui lui fait quitter un temps les thèmes légers pour s'ancrer dans l'actualité et aborder ses marottes sous un angle plus "sérieux", cela donne l'un des Classiques de l'artiste et un point de référence des 80's.
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