jeudi 16 mars 2006

SHADOW HEARTS : FROM THE NEW WORLD

Fun 8/10
Technique 8/10
Style Jeu de Rôle décalé
Editeur / Langue XSeed Games / Import USA
Infos 1 DVD / 1 Player / Memory Card 70 Kb / Digital & Analog Control



Un jeu... "différent"

Question : quel est le point commun entre un ado New-yorkais amnésique, un couple d'indiens court-vêtu, un pseudo-Ninja formé dans la jungle sud-américaine, une chatte grassouillette qui parle -associée d'Al Capone-, une vampire venue de l'espace et un guitariste au look mariachi ?
Réponse : Shadow Hearts 3, un sacré jeu ;-) Ajoutez à cela que cette fine équipe vit dans l'amérique de 1929 et vous comprendrez que "Shadow Hearts : From the New World" est définitivement une production à part.
XSeed Games est le studio produisant le jeu, responsable du récent désastre nommé "Wild ARMs 4", série dont ces auteurs avaient ôté toute la substantifique moelle d'ambiance de Far West et rendu le gameplay trop grand public. Autant dire que c'est avec un à priori fort négatif que je m'apprêtais à fouler le sol de SH:ftNW. Surtout lorsqu'on me refaisait le coup du jeune homme orphelin et amnésique dès l'intro ! Mais quelques avis éclairés piochés ça et là sur l'épisode précédent (qui m'avait échappé, shame on me) ainsi qu'un manque cruel de nouveaux RPG (ayant terminé Grandia III) me poussaient à tenter l'expérience.

L'épopée débute sur les chapeaux de roues. Johnny est un garçon de 16 ans, vivant dans le New-York de la fin des années 20. Dans un tragique accident de voiture il a perdu père et soeur, ainsi que des morceaux de sa mémoire. Malgré tout il dirige une agence de détectives, dont il s'occupe avec son fidèle serviteur, l'ami Lenny. Bref, Johnny-be-good est notre héros japonais de base. D'étranges phénomènes surnaturels vont mener Jojo-la-frite vers son destin. Cela commence par une sombre affaire commanditée par un personnage énigmatique, et voila notre adolescent confronté soudainement à des créatures monstrueuses apparaissant à travers des portails magiques !
Damned, notre blondinet est dans la mouise, son contact Gilbert est happé par les démons. C'est à cet instant que la cavalerie arrive sous la forme de Shania, une indienne décolorée dotée d'un 95C avenant (avec des ailes dans le dos pour faire style). Elle est accompagnée de Natan, un grand costaud genre "Sitting Bull" armé de deux guns façon John Woo. Ca fout la trouille hein ? Accroche-toi public, ce n'est pas fini ;-)
Dans la famille "Nos amis japonais fument du belge", je voudrais compléter mon groupe de terreurs. Commençons par Frank-les-doigts-d'or, l'adepte un brin mytho de Ninjutsu. Son accoutrement le classe immédiatement dans la catégorie "Meilleur espoir" pour le prochain carnaval de Rio. Son maître en arts martiaux est certainement le personnage le plus barré que j'ai vu récemment dans un RPG : Mao, une chatte humanoïde experte en "Drunken Fight" (littéralement "Combat Bourré"). Vous en voulez encore plus ?! Pas de problème vous recruterez aussi une extra-terrestre vampire dont le vaisseau s'est crashé près de Roswell et un pro de la guitare sèche. Dingue, non ?
En quelques heures vous parcourrez quelques sites célèbres des états-unis, sauvant au passage Al Capone de la prison d'Alcatraz ou explorant le centre d'étude des E.T., entre autres joyeusetés. La première partie de l'aventure est donc un véritable régal, on navigue de surprises débiles en découvertes toujours plus étonnantes. Une avalanche de systèmes de jeu plus ou moins complexes enrobe ce vent de folie. Voyons cela en détail.

La Roue du Jugement !

Shadow Hearts reste plutôt classique graphiquement, vos personnages sont en 3D bien détaillée mais les décors restent "figés" et sont en plus d'une taille très limitée. Impossible de changer l'angle de caméra, les auteurs en profite par conséquent pour planquer une foultitude d'objets dans les recoins ;-) Dans les zones dangereuses on a droit aux combats aléatoires au tour par tour, sans qu'on puisse les éviter de quelque manière que ce soit.

Comme à l'accoutumée vos persos sont définis par des caractéristiques principales (Force, Intelligence, etc, vous les connaissez par coeur) et jauges de vie et de magie. Mais ce qui pimente les affrontements dans SH3, c'est la fameuse "Judgment Ring". Cette Roue du Jugement (en frenchy) est la pierre angulaire chapeautant une large majorité de vos actions, non seulement en combat mais pour d'autres mécaniques également. Après que le joueur ait choisi le mouvement à effectuer (Attaque physique, magie, compétence propre au perso, utilisation d'Items) un cercle apparaît et une aiguille fait le tour du cadran. Selon diverses modalités des zones colorées sont présentes sur la roue, et le joueur devra valider le passage de l'aiguille dans chaque zone pour espérer que l'action sélectionnée soit réalisée. Bref, le Ring demande une bonne part de dextérité, rendant chaque bataille très prenante. D'autant plus que vos adversaires ne se gênent pas pour vous balancer des "anomalies" de Ring : vitesse accrue, taille diminuée, etc. Chaque Roue est aussi entièrement customizable grâce à divers objets, augmenter la taille des zones colorées, le nombre d'attaques possible, ajouter des effets... C'est la folie !

Le nombre de possibilités en combat est proprement hallucinant. Les auteurs se sont vraiment lâchés en piochant des idées à droite et à gauche, offrant au final un vaste choix d'actions. On retrouve par exemple une jauge de "Stock", comme dans la série Xenosaga, qui se rempli pendant les fights pour offrir ensuite des enchaînements : Double (deux actions consécutives pour un perso), Combo (deux persos effectuent chacun une action à la suite) et même Double-Combo (combinaison de Double et Combo, of course). S'il est suffisament habile sur la Roue du Jugement, le joueur pourra enquiller les actions, accumulant au passage les bonus en dégats. Une jauge de Santé (Sanity Points, SP) est également présente, elle représente le moral et la santé mentale de vos petits protégés et diminue à chaque action.
Un perso ayant perdu tous ses SP sera tout simplement incontrolable en combat, et ne gagnera aucuns points d'expérience ! Il existe aussi trois niveaux d'attaque différents, bas, moyen, haut. Suivant le type d'ennemi rencontré vous devrez utiliser les coups physiques ou les sorts adéquats, sous peine de faire louper systématiquement (pas de coups hauts sur un monstre rampant par exemple).
Chaque perso dispose d'une compétence propre. Johnny possède par exemple un appareil photo qu'il peut utiliser en combat pour découvrir les stats et faiblesses d'un adversaire. De plus pendant le jeu un collectionneur lui échangera ses clichés contre quelques objets rarissimes. Shania, la pocahontas callipyge, peut quant à elle invoquer les esprits et se transformer à loisir. On notera au passage que ses séquences de métamorphose valent leur pesant de cacahuettes pour amateur de Hentaï ;-) Cependant pour trouver de nouveaux totems la bougresse devra préalablement les affronter. Puis pour augmenter leur puissance Shania devra dépenser des points de "Soul Energy", collectés automatiquement à chaque combat. Nettement plus crétin mais bien poilant, Natan pourra découvrir des attaques inédites de Gun-Fu en capturant des ennemis spéciaux, grâce aux indications du chef du village et à l'aide d'objets spécifiques (pot de miel, fruits secs, etc). Frank Goldfinger devra examiner des éléments du décor pour en faire la lame de son sabre. Ses deux premiers choix seront... un cactus puis un panneau d'arrêt de bus ! Mao doit réaliser des "finish" sur les monstres en combat pour ramasser les pièces de monnaie spéciales. Elle s'en sert ensuite pour recruter des méchants dignes de figurer dans ses productions hollywoodiennes, découvrant ainsi des techniques de "Drunken Fist" ! Son premier acteur ? Meowminator, parodie féline de Schwarzy ! 'arf ;-) Ils sont fous ces japonais.

Stellaire et terre-à-terre

La magie tient un rôle prépondérant dans les combats de Shadow Hearts. Elle donne évidemment accès aux soins, attaques élémentaires (Feu, Eau, Lumière, Ombre, etc) et modification de status (Poison, Paralysie, modif du Ring, booster les caractéristiques, et tutti quanti). Vos héros peuvent tous y accéder, à l'exception de Shania qui passe par l'invocation d'Esprits. Ils doivent préalablement s'équiper d'une grille nommée Stellar Chart, autrement dit un signe zodiacal, sur lequel un certain nombre d'emplacements sont prévus pour y attacher des sorts. On améliorera ensuite chaque magie en achetant divers bonus auprès du marchand spécialisé : augmentation de l'efficacité, diminution du coût en points de magie, etc.
Coté équipement chaque personnage peut se voir attribuer une arme, une armure et trois accessoires. Pour améliorer tout ce petit bazar il faudra faire appel à un couple de bikers homos. Oui, vous avez bien lu ;-) Ils tiennent leur boutique nommée "Just Us Guys" ("Réservé aux garçons") sur leur moto Side-car ! Comme vous êtes un séduisant jeune homme, ils vous offriront même des réductions sur leurs articles si vous parvenez à déclencher la ristourne après un passage sur le "Judgment Ring". Décidemment, un jeu à part.

"Shadow Hearts : From the New World" n'est pas exempt de défauts, loin s'en faut. Revenons d'abord sur les décors. L'exploration se limite en général à quelques écrans avec des chemins très balisés, et certains lieux sont relativement pauvres en détails (notamment la prison d'alcatraz). On vous oblige à moult allers-retours lors de la résolution des énigmes assez simplettes (trouver des codes, des mots de passe, du calcul mental), avec heureusement une fréquence de combats pas trop élevée. La carte du monde se contente de dévoiler les villes et endroits visitables sans qu'on puisse quitter les sentiers battus. En outre le scénario principal très sérieux ne semble pas vraiment en adéquation avec la folie ambiante, pourquoi ne pas avoir assumer la drôlerie des persos et des situations en faisant aussi partir en sucette l'aventure ?
Malgré ses quelques points noirs je ne peux m'empêcher d'aimer SH3.
L'univers exploré est original, les années 20 aux USA avec son ambiance vaguement mafieuse. Notre rôle de détective amateur nous fait visiter Hollywood, Las Vegas ou Chicago. Les affrontements sont funs et tactiques, avec cette petite touche de dextérité sur la Roue obligeant à être constamment concentré sur la bataille. Avec sept persos jouables au compteur, chacun trouvera ses chouchous et exploitera leurs capacités incongrues avec délectation. Le nombre de quêtes optionnelles est dantesque, ne serait-ce que pour trouver toutes les compétences de vos héros, avec cette touche de second degré qui sauve tout. On peut aussi participer à une loterie pour peu qu'on trouve les billets, rencontrer le professeur Lovecraft (!) qui donne accès à une arène de monstres, ou encore consulter ses données de jeu hyper-détaillées (avec commentaires sarcastiques des auteurs sur vos performances).

Les cinématiques, qu'elles soient en synthèse ou avec le moteur du jeu, sont bien réalisées et pêchues, et jamais trop longues fort heureusement. Il y a constamment des clins d'oeil réjouissants, les réactions théatrales de Frank le Ninja, les appétits soudains de Hilda la Draculette, et souvent même on se moque de quelques clichés du RPG (on vous propose par exemple de renommer un des personnages rencontrés, avant que ce dernier ne choisisse finalement lui-même son patronyme ;-). Quelques audaces bienvenues dans l'univers aseptisé des jeux vidéo feront sourire les joueurs matures, la caricature des deux gays moustachus habillés tout en cuir vous rappelera à coup sûr les clips des Village People ;-) Musicalement SH3 n'est pas en reste, il sort des musiques symphoniques qu'on entend habituellement dans ce genre de production et s'aventure dans des styles plus occidentaux.
L'histoire principale de "From the New World" possède une durée de vie moyenne, une trentaine d'heures. Mais contrairement aux productions récentes sur PS2 l'amateur de découvertes prendra ici plaisir à quitter la trame du scénario pour revenir dans les lieux déjà explorés et trouver tous les bonus cachés. Encore une fois le délire va très loin dans ce domaine et réclame d'y consacrer beaucoup de temps. En conséquence, Shadow Hearts 3 fête sa différence et c'est tant mieux !




Jeu fini:
Comptez entre 40 et 50 heures de jeu pour finir ce SH3, suivant vos envies d'exploration et de découverte des capacités poilantes de vos compagnons. Le seul point noir du jeu vient de sa trame principale, trop classique et manquant singulièrement de folie par rapport à l'environnement général de Shadow Hearts. La fin est assez abrupte d'ailleurs, prouvant que les auteurs se sont concentré sur les bonus délirants dans les compétences des persos plutôt que sur le scénario. SH3 est donc vraiment un jeu fun (beaucoup de revisites de lieux déjà explorés), avec un système de combat génial regroupant toutes les idées qui traînent dans le genre depuis quelques années. Il évite le syndrôme FF10 et ses mini-quêtes pour autistes (faire 200 fois la même chose pour obtenir une arme ultime, beurk). C'est pour moi la surprise de cette première moitié de l'année 2006 (inculte que je suis je ne connaissais pas cette série !), à tel point qu'il m'a donné envie de me procurer l'opus précédent, "Shadow Hearts II: Covenant".

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